Auteur d’une apologie de la pantoufle, cet instituteur et écrivain de Seine-et-Marne milite pour le droit à la paresse, la semaine de cinq heures et des statues à la gloire d’Albert Cossery.
« Moi, je clame haut et fort le droit de ne pas s’investir dans son boulot. Je préfère rester dans mon lit à glandouiller, rêvasser, lire. » Cette déclaration fort peu productive de Luc-Michel Fouassier est à prendre au pied de la lettre – pied qui sera bien chaussé, comme on va le voir. Instituteur de Seine-et-Marne capable d’enseigner à ses CM1-CM2 « le calcul de la masse de matière fécale annuelle d’un adulte » ou de « faire tirer des pénaltys en classe sur le tableau », cet écrivain vient de publier Les Pantoufles, aux éditions de L’Arbre Vengeur, très bref roman bartlebyen qui suit pas-à-pas la trajectoire d’un quinqua « en marge, à côté de ses pompes », ayant envisagé de « s’auto-étrangler » dans le remous d’un chagrin d’amour et qui, un matin, sort triomphalement de chez lui… en charentaises.
« Pointure 42, tissu 100 % laine, fabriqué en France. » L’homme ira à la Poste, au travail, en club échangiste, constatant – comme dans La Moustache d’Emmanuel Carrère – qu’un détail peut modifier l’organisation d’une vie. Ce pantouflard de l’extrême rencontrera en outre une « Confrérie des Farfelus », maîtres-adeptes de l’absinthe à redingote, qui n’est pas sans rappeler les juré.e.s de notre Prix de la Page 111, pour lequel la sienne figura parmi la sélection finale – sans l’emporter néanmoins, alors qu’il s’agit de l’antépénultième du roman et le prélude houblonné d’une fin heureuse.
Cela méritait prolongation. Chose faite avec l’utopie formulée sur le pont de notre Arche (non, depuis sa cabine, qu’il n’a pas voulu quitter) par l’auteur myope des Hommes à lunettes n’aiment pas se battre (nouvelle, 2010) et du Zilien (roman, 2014, préfacé par Jean-Philippe Toussaint qui nota que l’humour, pour Fouassier, est un « instrument de résistance aux casse-pieds »).
Selon Luc-Mimi, d’ici cinquante ans, la fainéantise sera devenue vertu. « Les flemmards, cossards, branleurs… » se seront imposés. « N’est-il pas usant, désespérant de voir portés aux nues toujours les mêmes conquérants en costume-cravate (…) qui fonctionnent à l’adrénaline et à la performance mais pas nécessairement à l’intelligence ? » Ecoutons-le militer pour le droit à la paresse, la semaine de cinq heures et l’élévation de statues à la gloire d’Albert Cossery, l’auteur égyptien francophone des Fainéants dans la vallée fertile (1948), exilé à Paris, qui n’écrivait qu’une ligne par jour.
Image : True Romance, de Tony Scott (1993).