J’ai été petite souris aux répétitions du Rat !
La vie est pleine de surprises. Qui m’aurait dit qu’un jour, je serai petite souris aux répétitions du Rat ? Que je serai dans un coin de L’affranchi, la salle hip-hop marseillaise, face à la scène, spectateur de l’ultime séance de travail du Rat Luciano à quelques jours seulement de son premier concert en solo sur la grande scène de Marsatac adossée au Château Borély. Suis-moi, on est presque à la bourre, d’autant que Jessica, productrice et femme du Rat Luciano qui avait annulé la conférence de presse de ce dernier, souhaite relire le papier avant parution.
Le Rat Luciano, Luch comme on l’appelle aussi, connaît bien Marsatac. Et pour cause. En 1999, lors de la première édition du festival, la Fonky Family niquait tout sur la scène de l’Espace Julien, en plein centre-ville. Son blaze est indissociable de celui de l’acronyme qui bégaie. Tout comme le sont ceux de ses collègues Don Choa, Sat, Menzo, Pone, Djel et Fel. La Fonky, une famille, une aventure qui a chamboulé à jamais le game hip-hop natio’ depuis le Panier, ce quartier de ruelles entremêlées juste derrière la mairie de Marseille.
L’aventure a cessé en 2007. Même si la famille est revenue unie par deux fois depuis. Le 19 septembre 2015, sur la scène de l’Espace Julien lors d’un exceptionnel concert de soutien à Pone, leur beatmaker atteint de la maladie de Charcot et le 23 juin 2017 pour Marsatac. Point barre. Encéphalogramme plat depuis. Des carrières solos entamées avant le split se sont dessinées en arrière-plan et ont prolongé le trait.
Luch a publié Mode de Vie… Béton style, l’année au triple zéro sans jamais défendre on stage cette vingtaine de plages. Sa dernière scène, Luciano s’en souvient avec émotion et un brin de fierté : « Ça date, c’était en mars 2018 à l’Accor Arena (Paris), deux soirs de suite, invité par NTM pour un feat avec Oxmo Puccino sur leur That’s my People » raconte-t-il avec fierté. « J’étais le seul Marseillais invité. ». Depuis, rien, même si le rapper bosse. « Il n’a même jamais arrêté d’écrire et de composer » me confie son entourage. « Il a des disques durs pleins de mots et sons. ». Être à son meilleur niveau est une exigence pour le rappeur qui ne sait pas faire semblant. « C’est mon challenge ! ».
Alors pourquoi ce silence ?
Humblement, Christophe Carmona, son nom dans les registres de l’état civil, confie qu’avant, il ne se sentait pas près. « Tenir la scène tout seul, ce n’est pas la même affaire. Avec la F.F., je pouvais laisser ceux qui aiment bien parler, mener le show. Je tenais mon rôle, en place, carré, mais je pouvais m’effacer. Quand tu es seul avec juste 2Bang (un MC du 15ᵉ arrondissement de Marseille rencontré sur un feat et devenu ami) pour te backer et DJel aux platines, ce n’est pas pareil… ». Revenir à Marseille est pour lui un honneur. « Je joue à la maison et souhaite transformer ce concert en cadeau à mes fans et au public de Marsatac » scande celui qui s’est posé plein de questions sur son show, sa composition : « On est sur un Marsatac, sur un festival. Le public est là en plein-air pour vivre un moment de plaisir, ce n’est pas comme s’il venait qu’à ton concert dans une salle donnée. Je ne jouerai donc qu’un seul nouveau titre : Z ».
« Ce titre s’inscrit dans le style boom bap 3.0, alliant habilement des sonorités hip-hop Old School à une nouvelle vague, sans perdre son identité distincte. » communique son label 7.62 Records. 7.62 comme diamètre d’une balle de Kalash. « Disponible dès vendredi sur les plateformes, il sera boosté par un clip réalisé par Plein Format, en ligne dimanche. ». Fin de la page de pub. « Le reste du show retrace mon histoire au sein de la FF, en solo et évoque quelques-uns de mes feats » précise celui qui a une longue liste de collab à son actif, et pas juste avec des reustas (Jul SCH, Akhenaton…). Djel revient sur les propos du MC : « on a beaucoup bossé pour dresser la set-list, choisir les titres et surtout sélectionner les bons extraits, car on va jouer pas moins de 27 titres. C’est comme des shots. On n’a réarrangé certains passages pour que notre déroulé soit évocateur et efficace. Cul Sec ! C’est un concert, pas un mix radio ! ».
Fidèles à ses valeurs
Pour ce show, il a donc dû apprendre les titres de son album solo qu’il n’a jamais posé qu’en studio, les lyrics sous les yeux. Sur la scène de l’Affranchi, les titres s’enchainent, sans accrocs. Simplement ! Pas de mises en place compliquées, de jeux de scène travaillés ou de faux semblants. Le Rat ne triche pas. On sent bien qu’il cherche des yeux le public, qu’il l’attend. Car face aux milliers de personnes, l’artiste et le show prendront une autre dimension. La FF et plus encore le Rat vouent un immense respect à leur public. Le Rat sait la force de ces moments, de cet échange. Cette communion entre un artiste et son public, ce premier concert en solo est d’ores et déjà un des grands moments de cette 25ᵉ édition qui démarre vendredi et se bouclera par le concert d’Aya Nakamura, juste après celui du Rat Luciano, de Luch comme scanderont tous ses amis qui savent qu’il est « Trop sincère pour être numéro 1 » comme il clamait via le titre d’un track posé en 2005 sur la compil’ Rap Performance.