Regarde le ciel, comme dirait Aline. Un an après ses ultimes apparitions recensées, un drôle d’astre s’y distingue à nouveau, à la grande joie des amateur.rice.s de cinéma bis, d’étrangetés hors des clous et des cadres, de rencontres du ixième type dans des contre-allées délaissées par les néons des multiplexes. Oui, ce sont elles ! Les séances sélénitement vôtres de la Lune Noire, toujours instiguées par l’association Monoquini, ressurgissent du diable Vauvert, le couteau entre les dents et la bobine solidement arrimée au projecteur. Mais pour y faire gicler quoi, sur l’écran ? Eh bien, le granuleux, le tourmenté, le sanguinolent Bliss, de Joe Begos.
La colorimétrie n’est pas vraiment au pastel. Rouge, noir, violet, vert fluo : les couleurs psychédéliques d’un incontrôlable (et, de fait, incontrôlé) trip assassin, celui d’une jeune artiste peintre en panne d’inspiration – campée par l’excellente Dora Madison Burge – s’embarquant à bord d’un stupéfiant rollercoaster mental tout au long de ce film furieux, tout aussi diabolique que la poudre vrillante sniffée par la protagoniste pour se sortir du pétrin (erreur !).
Très inspiré – dans ses cadrages, son esthétique, son ton – par le Gaspar Noé d’Enter the Void ou de Climax, Bliss avait conduit à la crevée du plafond de quelques palpitants lors de ses irruptions du côté de L’Étrange Festival parisien, du Festival du Film Fantastique de Strasbourg ou de Gérardmer. Au tour de Bordeaux, désormais, d’apprécier cette réactualisation violente, potards poussés au maximum, du célèbre triptyque sex, drugs & rock’n’roll qui, décidément, ne nous laisse toujours pas de ce marbre dont on fait les pierres tombales.
Et ne croyez pas que cette errance nocturne, trash et trépidante dans les rues de Los Angeles se fasse motus et bouche cousue : le métrage contient sa palanquée de jurons, de « fuck » et de « shit » en escadrille, bordées charretières à faire pâlir Scorsese et Tarantino réunis. Accompagné d’une B.O de Steve Moore, moitié basse-et-synthés de Zombi dont le score tout en drones angoissants s’hérisse d’embardées punk-métal originaires de ce petit coin d’enfer.
Après ce topo auriculaire, une dernière chose ; un avertissement, pour les mirettes celui-ci, et indispensable : du fait de clignotements intermittents, ce film est déconseillé aux personnes photosensibles. Ces précautions prises, il ne nous reste qu’à vous souhaiter de belles retrouvailles avec l’extase ténébreuse et hémoglobinée d’une Californie bon-crime-bon-genre, au sombre de la lune.
Lune Noire : Bliss, de Joe Begos, le dimanche 3 octobre à 20h45 @ Cinéma Utopia (Bordeaux).