Si on vous parle de photos érotiques et de regards amoureux, il y a de bonnes chances que vous pensiez à des images de femmes, lascives, sensuelles. À la limite, des clichés d’hommes pris par d’autres hommes. Où sont les images érotiques d’hommes prises par des femmes ? Jusqu’ici nulle part, jusqu’au projet Lusted Men.
C’est une réalité : l’érotisme est souvent associé à la féminité. Pas évident de penser à un travail photographique exposé au musée dans lequel les hommes sont érotisés par des femmes hétéro ou bisexuelles. « La culture visuelle a en effet appris aux femmes à se mettre en valeur, à se laisser observer et à se dévoiler face caméra », rappelle le site officiel du projet Lusted Men. Du même coup, citons le critique d’art John Berger : « l’homme agit, la femme paraît. Les hommes regardent les femmes, les femmes se regardent être regardées« .
Un érotisme jusqu’ici surtout assumé par la communauté queer
Oui, il y a bien la splendide exposition « Habibi, les révolutions de l’amour » qui se trouvait à l’Institut du Monde arabe il y a deux ans. On y voyait des peintures d’hommes allongés sur des méridiennes de velours, dans des positions qui révélaient des courbes que l’on ne souligne habituellement que chez les femmes. Des photos suggestives. En tant que femme, j’avais été bouleversée par la nouveauté de ces images pour moi. Et par leur rareté. Oui, mais. L’exposition est signée de plusieurs artistes LGBTQIA+. Jusqu’ici, ce sont elles et eux qui ont ouvertement osé érotiser les corps masculins. Trouver une photographe, femme hétéro ou bisexuelle qui a fait un travail d’érotisation des hommes est autrement plus difficile. Ou devrais-je dire « était »…
Affiche de l’exposition « Habibi, les révolutions de l’amour«
Des photos sorties des tiroirs et des imaginaires
C’était difficile, jusqu’à ce que Nova en trouve un tas réunies dans un album complet, qui s’apprête à sortir le 31 octobre prochain. Le livre s’appelle Lusted Men, c’est une production artistique en forme d’enquête photographique. Une collection qui vient combler un vide, celui de l’absence de ces photos d’hommes. Elles étaient jusqu’ici dans les tiroirs, dans les imaginaires. Les voilà dehors ! Ça va du nu, shooté en studio, jusqu’à la spontanéité du selfie post-coïtal. Derrière l’objectif : des femmes de tous horizons, ayant répondu à l’appel à projet du désormais Collectif Lusted Men. Depuis le lancement en 2019, les organisatrices ont reçu plus de 230 contributions, des photos venues de plusieurs pays du monde. Résultat : cette archive vivante qui élargit enfin la perception des masculinités. Parce qu’érotiser, c’est poser le regard sur cette personne, une position plus vulnérable, fragile, douce… ce qui était pour l’heure plutôt projeté sur la gent féminine. Encore une preuve, s’il en fallait une, que le désir, c’est politique.
À voir au musée ! Lusted Men de passage à Paris
Dans la préface de l’ouvrage Lusted Men, la journaliste Maïa Mazaurette raconte les regards sur les hommes de ces chercheuses en sociologie, artistes graveuses ou photographes, curatrices et autres docteures en anthropologie, derrière les appareils photos. Lusted Men, ce sont ainsi 700 pages de photos disponibles dans les librairies le 31 octobre. Le projet a déjà été exposé à Arles, à Bruxelles, à Nice, et passera à Paris du 7 au 11 novembre au festival Photo Saint-Germain.