Le Président ne se déplace plus, il « itinère ».
Dans Pour que tu rêves encore, la matinale de Nova, Marie Misset vient décortiquer tous les vendredis le « mot de la semaine ». Ce 2 novembre, ce mot, c’est « itinérance ».
« Itinérance mémorielle », même, pour être exacts. Le terme est apparu dans un communiqué de presse de l’Élysée, qui expliquait qu’Emmanuel Macron partirait, donc, en itinérance mémorielle, du dimanche 4 au vendredi 9 novembre. Le Président de la République française se rendra dans deux régions, onze départements et dix-sept villes pour fêter le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale.
Des heures de brainstorming
L’expression « itinérance mémorielle » n’a évidemment pas été choisie au hasard, et on imagine que son choix a nécessité des heures de brainstorming. Des réunions qu’on a visiblement voulu rentabiliser, puisque le mot revient tout de même dix fois dans le communiqué.
Un mot que personne n’a vu venir et qui est, depuis, repris par toute la presse régionale de France et de Navarre. La Croix, l’Est Républicain, L’Union, La Voix du Nord, Le Courrier Picard et Ouest France, qui retrace carrément le parcours du président itinérant, au cas où certains auraient envie de se taper dix-sept monuments aux morts en cinq jours. En résumé, le président ne se déplace plus, il « itinère », en se souvenant de trucs poilus.
Président itinérant
De quoi faire rigoler certains médias. L’émission Quotidien s’est un peu moquée du terme ce mercredi et dans le même temps, le Huffington Post publiait une analyse de mot. Apparemment, la personne qui l’a choisi s’en félicite, puisque cette pirouette sémantique permettrait au Président de casser son image d’intellectuel enfermé dans sa tour d’ivoire, de technocrate déconnecté et ami des riches.
Une pirouette qui signe surtout le retour de ce mot par ailleurs très peu utilisé. C’est en tout cas ce que dit l’application Ngram Viewer de Google, qui répertorie l’emploi des mots dans les livres (malheureusement arrêtée depuis 2013). Le résultat est sans équivoque : personne en France n’a jamais vraiment utilisé le mot itinérance avant cette semaine.
Et pas sûr qu’après l’avalanche d’articles de presse à l’occasion des cent ans de l’armistice, le commun des mortels continuera de l’utiliser. Si cela vous venait pourtant à l’idée, voici deux exemples concrets : si vous passez devant votre école primaire, vous êtes en itinérance mémorielle. Si vous allez trois jours à Pornic, vous êtes en itinérance tout court.
« L’itinérance » au Québec
Attention néanmoins à l’utilisation de ce mot au Canada francophone. « L’itinérance », au Québec, c’est le mot pour parler des sans-abri. À Montréal, elle est rarement mémorielle, c’est simplement l’idée qu’on marche dans la peur et dans le froid sans trop savoir où l’on va. En fait, si Emmanuel Macron fait un jour le coup de l’itinérance aux Canadiens, ce sera peut-être sa seule chance d’utiliser ce mot et d’avoir l’air proche du peuple et de ses préoccupations…
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