Spoiler : tout commence dans la Bible.
La chronique textile, c’est tous les jeudis dans Pour que tu rêves encore, la matinale de Nova, avec Yvane Jacob, qui tient le compte Instagram Sapé comme Jadis. Vous pouvez l’écouter en podcast, ici.
Cette semaine, on parle d’un look qu’on ne croise plus souvent : le punk. C’était, notamment, celui de Keith Flint, le chanteur du groupe The Prodigy décédé cette semaine.
Keith avait le crâne en partie rasé, deux patches de cheveux de chaque côté, coiffés en piques et teints en rouge, en vert, ou décolorés en blond. Il se maquillait les yeux au crayon noir, et il avait le nez et les oreilles percés. Ça c’est les attributs classiques du punk, et c’est un style qui a choqué, beaucoup.
L’esthétique punk n’as pas née à Londres, comme on le croit souvent, mais à New York, dans les années 70. Entre 1973 et 1975, Malcolm McLaren, le mari de Vivienne Westwood, traîne au CBGB, un club de Manhattan où il découvre le style du bassiste du groupe Télévision : Jean et t-shirts déchirés, cheveux hirsutes, épingles à nourrice.
Ce bassiste, c’est Richard Hell. Richard va tout se faire chourer, quelques temps plus tard, par des anglais : les Sex Pistols. Dont le manager ne s’avère être nul autre de McLaren, rentré au pays. Ce style est immédiatement et pour longtemps, assimilé au diable, ou décrit comme « démoniaque ».
Le rapport avec la Bible
Il faut dire qu’à l’époque, cette tendance brise des tabous vestimentaires séculaires. En effet, les vêtements déchirés sont déjà un signe de calamité lorsqu’ils apparaissent dans la Bible. Le lépreux les porte pour signaler sa maladie, Job déchire ses vêtements quand il croit son fils mort… D’ailleurs, dans les premiers siècles de la Chrétienté, on déchirait son vêtement à la mort d’un proche. C’est une pratique qui a été interdite par l’Église au VIIIe siècle.
Les punks portent aussi des piercings. Or, se percer le corps est longtemps considéré, en Occident, comme un péché. Dans la peinture médiévale, les seuls personnages percés sont les méchants de l’époque : les traîtres, les infidèles, les ennemis de la foi… Sans doute parce que c’était une mode orientale, étrangère, donc effrayante et suspecte à l’époque.
S’approprier le diable
Dans les années 70, après deux crises pétrolières, l’Angleterre est en récessions. Le chômage atteint un niveau record depuis la fin de la guerre, les finances sont en crise, l’État providence est en ruine… Bref, c’est la dépression. On se rend compte que dans les années 60, on a rêvé pour rien. Qu’en fait, tout va mal. Le mouvement punk traduit ce désespoir, cette impression qu’il n’y a pas d’avenir pour la jeunesse, « No future ».
Il s’oppose aux codes hippies. Au lieu de couleurs pastels et de matières naturelles on porte des trucs trash et des couleurs vives. Pour Johnny Rotten le chanteur des Sex Pistols, sa tenue c’est surtout le reflet de la pauvreté qui touche les jeunes. Et qui dégénère en symbole de révolte.
Du coup, on respecte plus rien, surtout pas les choses qui dérangent. Au contraire, on provoque et on s’attaque à tout. Le Union Jack, le drapeau anglais, déchiré, la Reine, représentée avec la bouche barrée d’une épingle à nourrice, deux cowboys nus qui se touchent le sexe, ou même le visage d’un violeur en série illustré sur un tee-shirt.
Ce qui dure au final assez peu de temps. Le look punk devient une attraction artistique. Les jeunes se déguisent pour se faire prendre en photo sur King’s Road avec les touristes. Peu à peu, ce qui avait tant choqué rentre dans la norme : les piercings et les tatouages deviennent mainstream, et le jean troué, commercial. À la fin c’est le capitalisme qui gagne. Keith Flint était le dernier, mais les punks sont bien dead.
Visuel de couverture © Getty Images / Mark Makela