Nouvo Nova : « Netseweth Sifassan Nagh » de Majid Soula.
Le passeport en bandoulière, les tympans bien ouverts, le tropisme qui oriente vers le vieux disquaire que personne ne visite plus depuis trop longtemps, Jannis Stürtz parcourt le monde arabe (Maghreb, Liban, Libye, Égypte…) à la recherche du rare groove, du disque qu’on a oublié parce que la poussière s’est trop accumulée dessus. Il cherche, sans fatigue ni relâche, ce tube qui n’en était pas vraiment un hier et qui devrait, suivant une logique qui peut se contester, avoir plus de mal encore à le devenir demain. C’est une belle quête, une quête de mélomane absolument passionné, une quête essentielle.
Jannis Stürtz fait partie de ces chercheurs de trésor qui passent leur existence à mettre la main sur ce dont on n’est même pas tout à fait certain qu’il ait bien existé un jour. Jannis cherche des disques, et sous le drapeau Habibi Funk (label, donc, spécialisé dans la ressortie de disques et de morceaux oubliés), en trouve parfois.
Du monde arabe, il a ressorti de la musique psychédélique soudanaise (Sharhabil Ahmed), du funk égyptien (Hamid El Shaeri), du reggae libyen (Ahmed Ben Ali), de la folk progressive libanaise (Issam Hajali), des bandes-sons de film algériens qui pourraient être d’Ennio Morricone s’ils n’étaient pas en réalité d’Ahmed Malek.
Amazighs
Le monde arabe… et désormais le monde berbère ? Ou monde amazigh plutôt, comme le disent les autochtones ? Car aujourd’hui, c’est au tour de Majid Soula (une vingtaine de disques depuis les années 70, ce n’est pas rien) de faire l’objet de l’attention du label berlinois. Engagé depuis des années dans la défense des droits et des spécificités de la culture amazigh, ce musicien et producteur kabyle toujours en activité propose un funk rythmé porté par des synthés qui s’expriment pleinement sur le morceau « Netseweth Sifassan Nagh » d’un artiste qui, et citons Jannis Stürtz, “a su combiner le meilleur de l’Arab-disco, du Highlife et d’un Funk résolument groovy pour aboutir à quelque chose de totalement unique”. C’est un morceau, et vous avez l’entendre, qu’on peut très aisément passer en boucle car des boucles, il y en a, ici, un paquet.
Sur ce morceau, les synthés s’emballent, les guitares aussi, et donnent l’impression de se retrouver au sein d’un western sympa, où les Indiens d’Amérique du Nord se trouveraient remplacés, plutôt par les Amazighs des montagnes kabyles avec, aux lèvres, l’idée que malgré la mondialisation, les uniformisations culturelles et les mondes ultra-connectés les uns aux autres, des spécificités culturelles existent. Et qu’il faut, à tout prix, les préserver.
Citons, pour finir, Majid Soula lui-même, qui résume parfaitement via ces quelques mots partagés par Habibi Funk le sens de sa lutte et donc, de sa musique.
“Je ne suis pas un politicien. Si je peux me concentrer sur l’Art et la Culture, c’est déjà beaucoup. Je suis avant tout un artiste dont la préoccupation principale est de présenter un travail de qualité, pour contribuer modestement au développement et à l’enrichissement de notre patrimoine culturel. Quand je me bats, par exemple, pour la défense de la culture amazigh, ça n’est pas par pur esprit politique. C’est un acte naturel pour moi. Je suis contre toute forme de violence, d’où qu’elle vienne, et je ne supporte pas l’injustice. Si les libertés fondamentales étaient garanties, les artistes algériens n’auraient aucune raison d’assumer cette charge, cette mission. Ils pourraient, comme tous les autres artistes du monde, consacrer leur talent à faire rêver les gens. Je m’inspire de la vie quotidienne de mon peuple et je partage leurs aspirations, principalement la reconnaissance du Tamazight comme une langue officielle, une véritable culture et une identité en tant que telle”.