Le producteur franco-malien sort le troisième volume de sa trilogie « Dub to Mali »
Le 31 mai dernier, le musicien franco-malien sort le troisième volume de sa trilogie Dub to Mali sur le label Baco Records. L’occasion pour Judah Roger de nous brosser le portrait de ce pionnier de l’afro-dub, dans Néo Géo.
Manjul est né au milieu des années 70 en plein Paris du peuple, au cœur du XVIIIe arrondissement, et plus exactement à Barbès, quartier pluri-ethnique et multiculturel.
Petit, son père s’occupe de son éveil musical et lui apprend sur la platine vinyl familiale à reconnaître les différents instruments : ici une trompette, là une guitare et ainsi de suite… Manjul passe des heures à jouer avec ses petites voitures, l’oreille en alerte, s’aiguisant à l’écoute de musique de films. Sans doute les premières bases de son amour du dub (c’est-à-dire du reggae version instrumentale), il commence à s’inventer des histoires sur des musiques sans parole.
Il passe par le solfège, apprend le violon, développe ses aptitudes musicales. Puis, fin 80 début 90, en bon parigot qui se respecte, il découvre le hip-hop. Mais le vrai saut dans la musique jamaïcaine, c’est à un ami d’enfance et voisin qu’il le doit. Auprès d’Isachaar Martinez, Manjul trouve la dimension mystique qui lui manquait dans le rap.
Il rencontre le nyabinghi : les percus rastas traditionnelles et Manjul découvre alors le plaisir qu’il a à transmettre musicalement des émotions qui séjournent en lui. C’est à ce moment qu’il rencontre Baco, un musicien de Mayotte qui possède un petit home studio et qui se fera un plaisir d’apprendre à Manjul les rudiments et les bases du métier d’ingénieur du son.
Cette rencontre est déterminante et ça pousse notre jeune apprenti, qui a entre-temps fait la connaissance de sa future épouse (une française d’origine malienne) à vouloir, en couple, se rapprocher de l’Afrique. Un rapprochement qui passe dès 1994 par Mayotte et l’Océan Indien, puis par La Réunion où il construira son premier studio, le Humble Ark Studio. Une manière de rendre hommage à un producteur jamaïquain : Lee Scratch Perry. Il commence donc à définir ce son si particulier, du dub roots à la jamaïquaine mais épicé par les influences qui l’entourent. Le son Manjul.
En 2001, c’est l’arrivée sur la terre d’origine de sa femme, où ils vont vivre une bonne quinzaine d’années, au Mali, a Bamako, dans le quartier (mystique oblige) de Baco Djicoroni.
Le studio de Manjul s’étoffe au fil des années, et gagne en réputation. De grands noms de la musique africaine côtoient de grands noms du reggae (Amadou et Mariam, Toumani Diabaté, Salif Keita, Tiken Jah Fakoly ou encore Takana Zion). Manjul continue de développer son art du dub, qui incorpore maintenant des instruments traditionnels africains. De ce studio de Bamako sortiront aussi de nouveaux espoirs du reggae (Natty Jean ou Bishop) et beaucoup d’artistes français viendront y enregistrer.
Manjul, devenu franco-malien, continue de mettre à l’honneur toutes les différentes cultures qui l’ont construit. De Barbès à Bamako, il a su créer une musique qui fait le pont entre Paris, la Jamaïque et l’Afrique. Dans une période où chacun se replie sur sa communauté, Manjul appelle au partage et à la rencontre entre les peuples et c’est précieux.
Le Néo Géo du dimanche 9 juin, c’est en podcast.
Visuel © Franck Blanquin