La chercheuse Véronique Billat assure que le corps humain pourrait largement dépasser ses limites (et le record de vitesse actuel)… en courant moins vite.
La chronique sport, c’est tous les mardis avec Barnabé Binctin à 8h40 dans Pour que tu rêves encore, la matinale de Nova. Si vous n’êtes pas du matin, vous pouvez l’écouter en podcast, ou la lire ci-dessous.
Ce matin, on s’envoie quelques barres de céréales et on chausse ses baskets pour le dernier échauffement avant le marathon de Paris, le 14 avril. Même si en réalité, à l’approche du départ, il faut surtout se reposer et bien préparer son organisme aux fameux 42,195 kilomètres qu’il va affronter.
Cette année, 60 000 participants sont inscrits et constituent une participation record à l’épreuve parisienne. Mais c’est un autre record, celui du temps à l’arrivée, qui sera scruté et observé avec cette éternelle question en toile de fond : La barre mythique des deux heures peut-elle tomber ? Et surtout, qui sera le premier humain de l’Histoire à courir cette distance en moins de deux heures ?
Actuellement, le record du monde est de 2 heures, 1 minute et 39 secondes. Il a été réalisé par le Kenyan Eliud Kipchoge, en septembre dernier à Berlin. Et c’est vrai que, vu comme ça, 1 minute 39 secondes ce n’est pas grand chose. Sauf qu’à ce niveau-là, la moindre seconde se grignote au prix d’une performance exceptionnelle.
Il y a deux ans, par exemple, dans des conditions optimales (et non homologuées) sur un terrain parfaitement plat, protégé du vent et entouré de lièvres qui se relayaient à son service, l’actuel recordman Eliud Kipchoge avait malgré tout échoué de 25 secondes à faire tomber le « mur des deux heures ». Ce qui avait confirmé l’avis de la plupart des spécialistes : le marathon en moins de deux heures, c’est pas pour tout de suite.
Sauf que voilà, Véronique Billat n’est pas de cet avis-là. Véronique Billat, c’est une physiologiste de 60 ans, professeure d’Université de renommée internationale, devenue au fil des ans un sacré épouvantail dans le petit monde de la course à pied. Cela fait plus de vingt ans qu’elle dit que l’être humain est tout à fait capable de réaliser cet exploit. Elle prédit même qu’on pourrait atteindre les 1h50 sous peu, à condition, bien sûr, de suivre ses recommandations.
Selon elle, pour courir plus vite au final, il faut accepter de courir moins vite à certains moments. En fait, Véronique Billat s’intéresse au rendement énergétique du corps humain, qu’elle compare à un moteur hybride de voiture. Il faut accepter de ralentir pour pouvoir recharger les batteries et ré-accélérer. Autrement dit, il faudrait faire varier volontairement sa vitesse pendant la course, ce qui serait une petite révolution pour des coureurs plutôt formés à la régularité et la vitesse constante.
Pour l’instant, impossible de savoir si sa méthode pourrait fonctionner puisque les meilleurs coureurs ne l’utilisent pas. Et comme toute idée forte, elle est portée par un caractère qui ne l’est pas moins. Véronique Billat est un personnage surprenant et somme toute assez passionnant, qu’on a pu rencontrer pour le dernier numéro du magazine Running Heroes Society.
Pour certains, elle est une sorte de Professeur Tournesol de la course à pied, un peu déconnectée des réalités de la compétition, une femme aux idées certes débordantes mais parfois un peu folles, qui s’amuserait presque de cette posture hérétique. Pour d’autres, elle a tout simplement un temps d’avance qu’elle n’a pas peur d’assumer publiquement, quitte à bousculer les codes d’un milieu un peu hermétique au changement et à des approches plus scientifiques.
Véronique Billat est-elle cette figure avant-gardiste incomprise de son vivant, ou pêche-t-elle par excès d’optimisme voire de provocation ? Au final, difficile de trancher. Et à moins d’une grosse surprise dans 10 jours, le mystère risque de perdurer un peu, tout comme la grande question qui l’accompagne, au fond : « Jusqu’où le corps humain peut-il donc repousser ses limites ? ».
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