Dans l’Ain, cette bouchère à la retraite – qui vient de fêter ses 90 ans et se trouve être, ça alors, la grand-mère du créateur de ce podcast – découpe des conseils sur-mesure pour les générations futures.
La scène rappelle un peu Un dimanche à la campagne, de feu Bertrand Tavernier. Passage express ce week-end à Miribel (Ain), près de Lyon, pour célébrer comme il se doit les quatre-vingt dix printemps de ma grand-mère paternelle, Marcelle Marchand, benjamine (sur cinq enfants) d’un tourneur-ajusteur et d’une femme de ménage. Dans sa prime jeunesse, Marcelle est l’employée d’une usine de tissage, tout en participant pour ses loisirs à des ballets, aux ateliers de gymnastique rythmique, au groupe théâtral – elle joue Feydeau – et surtout à la chorale de l’union laïque, où elle chante Étoile des neiges et rencontre un garçon « toujours dans les bagarres », René Gaitet.
Une fois marié, le couple reprend puis tient de 1952 à 1974 la boucherie-charcuterie des parents de René. Tranches de confidences : « Je n’y connaissais strictement rien, pas capable de différencier le veau du bœuf ! J’ai débarqué comme ça. Pendant que René faisait ses tournées en camion à la campagne, moi je tenais le magasin. Au début, les clientes en profitaient un peu, je coupais pas comme il faut, j’abimais la viande, mais c’est rentré, à force. Fallait se lever à 4h du matin, tout préparer pour l’ouverture, jusqu’à 20h, du mardi matin au dimanche midi – avec quand même une fermeture en milieu de journée, pour nettoyer la machine à jambon. Le lundi, le grand-père allait chercher ses bêtes à la ferme et il les tuait dans notre abattoir. Puis fallait faire la tripe, détailler, tirer parti de tous les organes commercialisables. Aujourd’hui, c’est moins difficile : les bouchers se font livrer. On a travaillé bien deux ans sans personnel. Après, on a pris un employé, qui désossait. Mais après, on arrivait à trop travailler, donc j’ai proposé à René d’abandonner ses tournées, qu’on travaille que tous les deux, sans personnel, sans femme de ménage. J’aimais le contact. J’achetais des kilos de bonbons pour les gosses qui passaient dire bonjour. Et chaque premier de l’an, les clients arrivaient de leur réveillon pour boire le café. C’était dur, mais tellement sympa. »
Désormais aussi âgée que William Shatner, l’inoubliable interprète du Capitaine Kirk dans Star Trek, Mémé grimpe à bord de L’Arche de Nova et découpe des conseils sur-mesure pour les générations futures. « Faut pas demander l’impossible, hein ! Je rêvais pas d’aller sur une autre planète, par exemple. On a bien assez de la Terre. Et j’ai jamais eu de vélo ! »
Réalisation : Mathieu Boudon.
Image : Jacqueline Bouvier, mère de Marge Simpson, dans Les Simpsons de Matt Groening (1989).