Marcher, marcher sans but en ville au milieu des piétons pressés ou à la campagne sur des chemins détrempés entre champs et forêts.
Marcher à l’aventure, le regard exilé, excité par ce pays sage, banal ou extraordinaire, par ces paysages quotidiens qu’on découvre autrement jour après jour. L’hiver, le froid bien sûr; le bout des doigts qui piquent, le nez qui goûte et rien de séduisant à l’horizon. Gris sans nuance, uniforme, le plat sur la couture d’un pays entre deux couvre feux. Gris-Gris, en attente de vie. Se perdre, abandonner son gps et ses mémoires, se perdre et trouver un chemin plutôt que son chemin. Enjamber la boue. Fuir la routine du trottoir qu’on fait et refait, s’aventurer entre ces arbres nus presque mort. Avancer sans savoir, des questions plein la tête. Ecraser la terre molle dans laquelle ton pas s’enfonce, le pavé humide sur lequel il chasse, sans gain.
Marcher sans mots dire, la tête vide, le regard absent et tout voir. Voir ce qu’on ne voit pas, ce qu’on ne voit plus, s’imprégner pour essayer d’imaginer ce que l’on ne sait, cet inconnu qui devient notre présent, ce conditionnel et ses impératifs. Ne pas savoir comme au premier jour. Parce que le monde est ainsi, perclus de certitudes et perçus comme un doute infini. Marcher, marcher encore, encore marcher parce que s’arrêter c’est risquer la nuit, risquer le noir qui aplanit les reliefs sans lune au-dessus de la tête, sans lune comme réverbère. Marcher, réveiller notre corps, déconfiner nos esprits… Marcher, marcher jusqu’à demain.