La magicienne abandonnée.
Pasolini s’était lancé, à la fin des années 60, dans une sorte de trilogie antique, tournée au Moyen-Orient : L’Évangile selon saint Matthieu, et deux tragédies mythiques, Œdipe Roi et Médée.
Médée, grande tragédie grecque, violente et barbare
Médée, fille du roi de Colchide, va tomber amoureuse de Jason, et par amour, elle va lui livrer la Toison d’or. Au cours de leur fuite en bateau, elle découpe son jeune frère en morceaux (!) afin de retarder son père qui les talonne, et doit ralentir pour récupérer les membres de son fils !
Plus tard à Corinthe, lorsque Jason se lasse d’elle, mais se méfie de ses pouvoirs de magicienne et tente de l’exiler, elle va brûler leurs deux enfants ! Médée est la grande tragédie grecque, violente et barbare…
Pasolini ne pouvait qu’aimer ce mythe de passion, de scandale et de jusqu’au-boutisme. Mais, en virtuose du scandale, il choisit Maria Callas, la grande cantatrice, qui a souvent défrayé la chronique mondaine, pour interpréter une Médée archaïque, grande prêtresse, et amante passionnée…
Niveau péplum, une ampleur inégalée
Ce film magnifique, tourné dans des décors impressionnants en Syrie et en Turquie, évoque bien l’atmosphère de légendes et de passé antique, et Pasolini tourne avec efficacité et puissance. On pense au cinéaste géorgien Serguei Paradjanov, censuré en Russie. Les costumes réinventés empruntent à l’Orient, à l’Afrique, les décors de troglodytes d’Anatolie, les lacs et les déserts à perte de vue, donnent une ampleur inégalée dans les péplums.
Mais surtout, Maria Callas, vraie héroïne grecque, décriée et cantatrice intraitable, qui a été la scandaleuse maîtresse d’Aristote Onassis, père de famille et armateur grec milliardaire. Ce dernier va l’abandonner pour se « marier » avec Jackie Kennedy… Délaissée comme Médée ?
Maria Callas, parfaite pour le rôle ?
Pasolini utilise le mythe de Médée, la magicienne tuant ses propres enfants par amour. Il venge les femmes délaissées, il montre la passion et l’amour sans limites, il continue d’exacerber les sentiments pour nous montrer les enjeux de la passion.
On voit une Maria Callas demie-nue, prise par Jason sur une peau de bête ! Les fans de la cantatrice s’étranglent un peu…Puis à la fin elle grimace dans les flammes ou elle a condamné ses enfants à la mort par le feu. Une sorte d’anti diva, une femme cruelle et sanguinaire.
Avec ce passé barbare d’une supra humanité, Pasolini montre la vraie violence des mythes grecs.
Médée, de Pier Paolo Pasolini (1969), 110 mn, couleurs. Distribué par Carlotta Films.