Cette architecte et joueuse de tuba, étudiante du master de création littéraire du Havre, nous chuchote que tous les mots, cris, jouissances, « craquements d’orteils ou grincements de dents » seront bientôt des matériaux pour rebâtir les villes. Gloire aux « nouveaux ouvriers du brouhaha » !
« Les dessins parlent d’utopie. L’utopie évoque l’époque. 1957. Un pays, leurs désirs conjoints. Il est presque trop tard. » Fin février, sur les ondes digitales et bénévoles de Ouest Track Radio, le « haut-parleur » des habitant.e.s du Havre, Marie HL ouvrit la porte de Seuils, sa série sur des utopies urbaines et rurales, « concrètes ou pas », contées sous la forme de « bribes de fiction autour d’un père et ses deux filles ». Le prologue, mystérieux, semble décrire le moment où l’architecte brésilien Oscar Niemeyer (1907-2012) vient présenter la maquette et les plans de Brasilia, qui devint en 1960 la nouvelle capitale administrative de son pays, créée à partir de rien dans la terre rouge. Marie s’interroge : « Était-ce bien utopique de décentrer un cœur ? »»
Mais qui est donc cette jeune femme initiale(s) ? Figurez-vous que Marie HL – ce sont les deux lettres de son double vrai nom, qui restera secret – abrite en son myocarde une palanquée d’initiatives palpitantes. Architecte diplômée, elle joue du tuba dans une redoutable fanfare parisienne nommée le Georges Gang Brass Band, déclame ses sensations poétiques sous les acrobaties picturales du collectif « Dessin Envolé » de Montreuil, et boucle actuellement ses études au master de création littéraire du Havre, pour lequel elle termine une autofiction de « géogénéalogie », méthode inventée permettant de remonter le plus loin possible dans sa propre lignée « en parcourant les lieux de vie de ses ancêtres » pour dire « la réalité tantôt brute tantôt magique du territoire, ses limites, ses bouleversements ».
Grimpant à bord de L’Arche de Nova, la romancière itinérante nous chuchote que tous les mots, cris, sons, jouissances, seront bientôt des matériaux pour rebâtir les villes. « Il suffira d’émettre un son pour que pousse un arbre. Ou bien de grincer des dents pour faire tomber un mur et dégager la vue. (…) Tout pourra être utilisé : tous les dialectes, tous les jargons ; signes, cheveux sur la langue, bégaiements, langue des oiseaux, balbutiements, esperanto, quechua… Ne pas se comprendre sera devenu facile. Deux personnes ne parlant pas la même langue construiront des cabanes bilingues qui leur ressemblent (…) Les muets claqueront des doigts. Les manchots taperont du pied (…) Alors plus personne ne pourra s’empêcher de parler, comme dans une fanfare sans chef, jam session de l’espace ininterrompu, nous serons les nouveaux ouvriers du brouhaha. » Au boul-oh !
Pour écouter « Comme à la radio », écrite et interprétée par les artistes du master de création littéraire du Havre, c’est ici : https://ouest-track.com/podcasts/comme-a-la-radio-325/comme-a-la-radio-episode-01-5309?fbclid=IwAR0zuf30cqX-9pCYIwHmeXWOmkhjGcgnxCWRRY-vyzszncknEDE1uixBKPQ
Réalisation : Mathieu Boudon.
Image : Midnight Special, de Jeff Nichols (2016).