L’acteur phare du « Bureau des légendes » évoque librement sa consommation d’herbe.
Cette interview est issue du deuxième épisode du podcast Banana Kush, le magazine des cultures du cannabis, par Christophe Payet & Camille Diao. D’abord né sur Radio Nova, le podcast Banana Kush est désormais indépendant. Vous pouvez écouter l’interview originale de Mathieu Kassovitz ici, et retrouver tous les nouveaux épisodes de Banana Kush là, sur iTunes, Soundcloud et Deezer.
L’acteur et réalisateur Mathieu Kassovitz est de retour dans la peau de l’espion-traître Malotru, dans la quatrième saison de la série de Canal +Le Bureau des Légendes. Récemment au cinéma, on a aussi pu le découvrir sportif dans Sparring, film dans lequel il incarne le partenaire d’un boxeur, alors qu’il n’a jamais caché avoir une hygiène de vie qui n’est pas forcément celle d’un champion. Rencontre avec un amateur d’herbes fraîches.
Mathieu Kassovitz, quel type de fumeur êtes-vous ?
Mathieu Kassovitz : Faut pas que la police s’en serve pour m’arrêter après… C’est ça le problème ! Non, je suis un gros fumeur. J’ai eu la chance de ne pas fumer jeune. J’ai commencé à fumer à 25 ans et je suis un défenseur du cannabis depuis une dizaine d’années. Comme tout le monde, j’ai besoin d’échapper un peu à la dure réalité de la vie et d’arrondir un peu les angles. Il y a des gens qui le font avec des médocs, d’autres avec des drogues plus dures, la majorité le fait avec de l’alcool. Moi, personnellement, je ne bois pas. L’alcool ne me va pas. Et quand j’ai découvert le haschich et la weed, j’ai trouvé quelque chose qui m’allait bien, avec lequel je pouvais continuer à être productif et qui m’aidait à accepter un peu plus le monde qui nous entoure.
Vous vous souvenez de votre premier joint ?
Mathieu Kassovitz : Oui, c’était le jour de mon anniversaire, pour mes 13 ans. Il m’a rendu malade et je n’ai plus jamais fumé jusqu’à mes 25 ans.
Si ça fait du mal à votre vie, vous devez arrêter. Si ça vous empêche pas de vivre, alors pourquoi arrêter ?
Ce que vous recherchez dans le haschich, c’est la relaxation, un remède anti-angoisse ?
Mathieu Kassovitz : En fait, le problème du THC, c’est que ça vous met bien si vous êtes bien, et ça vous met mal si vous êtes mal. Donc c’est quelque chose qui doit s’apprendre. On ne réagit pas tous de la même façon aux mêmes produits. Il faut savoir ce qui est bon pour soi et la façon dont vous pouvez l’utiliser. Après, comme pour toutes les addictions, je pense que le principal c’est de les commencer le plus tard possible. Si ça fait du mal à votre vie, vous devez arrêter. Si ça vous empêche pas de vivre, alors pourquoi arrêter ?
Aujourd’hui, ça vous fait du bien ?
Mathieu Kassovitz : Je suis quelqu’un qui fume beaucoup, mais je suis capable d’arrêter de fumer quand j’ai besoin de le faire pour le travail, quand j’ai besoin d’être plus focus. Quand je suis chef d’entreprise sur certains projets, ou même juste pour montrer aux gens que je suis droit dans mes bottes, je suis capable d’arrêter très facilement. Mais mon choix est de continuer, parce que je préfère fumer. Je préfère être high que ne pas être high. Après il faut savoir comment fumer, il faut savoir ce que l’on fume et pourquoi on fume. C’est une drogue de paix, pas une drogue d’agressivité. C’est quelque chose qui doit vous aider à vous accomplir.
Pas de démon particulier vis-à-vis du cannabis ? Vous êtes vraiment dans une totale maîtrise de votre consommation ?
Mathieu Kassovitz : J’aimerais qu’elle soit plus maîtrisée, je préfèrerais fumer deux joints par jour. Mais j’ai la chance d’avoir une constitution qui est spéciale. Quand je m’entrainais pour la boxe, après deux heures d’entrainement, je disais à mon coach que j’avais fumé trois joints juste avant. Je lui demandais s’il fallait vraiment que je fasse le travail d’arrêter. Et mon coach me répondait : « Non, si ça te décontracte, si tu arrives plus lâché, que c’est plus organique, fais ce qui est bon pour toi. »
Trois joints avant un entrainement de boxe, vous êtes un surhomme ?
Mathieu Kassovitz : À 8 heures du matin surtout ! (rires) Non, mais encore une fois, le sport est un marqueur important. Si vous ne pouvez plus faire de sport, il faut arrêter la chose qui vous détruit. Si vous buvez, que vous faites la fête, que vous vous couchez à 5 heures du matin et que vous êtes capable de vous lever à 9 heures pour aller faire deux heures de sport, pourquoi pas, il n’y a pas de problème. Le jour où vous ne pouvez plus faire ce que vous avez à faire, c’est là qu’il faut commencer à se poser des questions.
Je vous garantis que tous les acteurs fument !
Ce n’est pas évident en France, en 2018, d’être une personnalité publique et de dire publiquement : « je fume du cannabis ». Vous faites partie du peu d’actrices et acteurs qui l’assument publiquement…
Mathieu Kassovitz : Pourtant, je vous garantis que tous les acteurs fument. Tout le monde fume ! Mais ils ont peur du gendarme, et ils ont peur de moins vendre de billets d’entrée. Je pense qu’ils ont tort. C’est une erreur de ne pas affirmer qui on est, juste pour préserver le bourgeois. On est dans un pays qui est l’un des plus gros consommateurs d’Europe. C’est complètement absurde de ne pas en parler.
C’est quoi le problème en France avec ça ? Pourquoi peut-on dire qu’on boit de l’alcool voir qu’on en abuse, mais dire qu’on fume un joint c’est problématique ? C’est culturel ?
Mathieu Kassovitz : Tradition, je pense oui. Et pourtant on aurait dû être le premier pays d’Europe à s’ouvrir à ça. Parce que ça fait partie de notre culture. Pas seulement de notre culture de fumeurs, mais notre culture de bons vivants. Et je ne comprends pas qu’on ne soit pas ce pays-là.
Vous vous êtes offusqué sur Twitter d’une descente de police à 24 agents pour seulement 7 grammes de shit. En remontant plus loin, au moment de la sortie de La Haine, vous êtes allés sur le plateau d’une émission de Bernard Pivot, Bouillon de Culture, en portant une casquette avec une grosse feuille de cannabis… Est-ce que vous vous considérez comme un militant ?
Mathieu Kassovitz : Je pense que c’est un acte militant, dans le sens où fumer de l’herbe aujourd’hui en France, c’est l’acte de rébellion le plus pacifique que vous puissiez faire sur la société. C’est une façon de dire : « je refuse de manière pacifique votre façon de voir le monde ». Et c’est vrai que, nous les rebelles, les gens qui ont envie de casser tout, ça nous maintient en paix avec le monde qui nous entoure. C’est pas que je suis militant, je vais pas aux manifs pro-cannabis. Je ne suis pas pour que les gens fument du cannabis. Mais je suis contre cette chasse aux sorcières qui est absurde et qui rend la vie des gens difficile. Si les gens fumaient plus de CBD, molecule de relaxation musculaire extrêmement efficace, et qu’on prenait un peu moins de Témesta et de ces putains de conneries… On a des contrôles de police pour le cannabis et l’alcool, mais s’il vous plaît, contrôlez les pilules ! Tout le monde est sous antidépresseurs et anxiolytiques !
Bande de batards. 7g !!! 24 policiers !!!!! Vous êtes une belle bande de bon à rien @PoliceNationale https://t.co/EZSWQXSAgg
— mathieu Kassovitz (@kassovitz1) December 23, 2017
D’ailleurs, les études montrent que dans les États où le cannabis thérapeutique est autorisé, la prescription d’anxiolytiques et d’antidépresseurs chute considérablement….
Mathieu Kassovitz : Mais évidemment ! Le cannabis est une médecine, avant tout. Avant d’être une drogue. Ça vous aide pour plein de choses. Et vous pouvez vous passer de plein de médicaments en utilisant le cannabis. C’est une plante merveilleuse, qui sent bon, qui est magnifique, qui pousse naturellement avec de l’eau et de la terre. Vous n’avez besoin de rien d’autre. Il n’y a pas plus de mystère que ça. Et c’est un des cadeaux de la terre et je pense qu’on doit l’utiliser dans le meilleur des sens.
Transformons ces petits jeunes en entrepreneurs !
Nous évoquions La Haine. Dans le film, Vince, Saïd et Hubert passent pas mal de temps à fumer quand ils zonent… Le shit fait presque partie du décor de cette banlieue ?
Mathieu Kassovitz : Il y a une scène où ils se roulent un joint. Après, on les voit fumer de temps en temps, parce qu’on se fait chier dans une cité. Donc on fume. Et il vaut mieux fumer que boire. C’est une culture qui vient du Maroc, du Maghreb, et qui a été ramenée en Europe. C’est une culture traditionnelle. Quand tu vas au Maroc, les grands-pères fument, comme ici on boit un verre de Cognac. Ce n’est pas plus dangereux ou plus méchant que ça. Donc cette culture, elle fait partie de manière intègre de cette jeunesse-là. Et on ne peut pas lui retirer ça, on ne peut pas la condamner pour ça. Maintenant, ce qu’on peut condamner, c’est le trafic qu’il y a autour, c’est la violence que ça inspire et c’est pour ça qu’il faut légaliser.
Le trafic c’est de la violence, mais c’est aussi l’achat d’une paix sociale et c’est de la survie pour beaucoup de jeunes…
Mathieu Kassovitz : Mais transformons ces petits jeunes en entrepreneurs ! Légalisons le cannabis et permettons à ces jeunes qui ont déjà les contacts et qui sont déjà assez malins pour pouvoir faire rentrer du cannabis en France et faire du commerce, d’officialiser leur truc, de passer à autre chose que l’illégalité et payer des impôts là-dessus ! C’est là que l’État fait une erreur : c’est une énorme manne d’argent qui pourrait être redistribuée de manière intelligente et efficace. Et je ne pense pas que cela posera de problèmes au quotidien dans la France qui fume déjà aujourd’hui.
Fumer du cannabis, c’est pas juste une consommation de drogué. C’est un plaisir
Vous fumez quand vous travaillez, quand vous jouez ?
Mathieu Kassovitz : Je fume tout le temps.
Et ça vous empêche pas de jouer correctement , pas de problème de mémoire pour le texte ?
Mathieu Kassovitz : Encore une fois j’ai une constitution spéciale qui me permet de faire ça. Je connais quelques personnes comme moi qui sont de très gros fumeurs et qui sont très efficaces. J’ai tourné aux États-Unis et j’ai été qualifié par le producteur à la fin du tournage de « fumeur le plus productif qu’il ait jamais connu ». Parce que j’ai fumé dès 6 heures du matin, dès que je me réveille, et pourtant je suis extrêmement pointu, je connais mon métier et je sais ce que j’ai à faire. Mais il faut se connaître. On peut pas faire ça quand on a 20 ans. Il faut avoir une certaine maîtrise de son caractère. Fumer du cannabis, c’est pas juste une consommation de drogué. C’est un plaisir. Mes dealers sont des connaisseurs, qui sont aussi pointus qu’un bon œnologue. Ils savent ce que c’est qu’une molécule, ils savent de quoi est composé un produit, ils savent d’où il vient. Ils ont un véritable amour de la fleur, un amour du pollen. Et ils connaissent leur métier. C’est un plaisir de travailler avec eux, c’est un plaisir de fumer leurs produits. C’est pas du tout comme on peut l’imaginer quelque chose de honteux, où l’on va acheter de la drogue à des dealers armés en bas des cités pour aller fumer avant de s’injecter de l’héroïne. C’est tout le contraire.
Et l’espion Malotru, dans le Bureau des Légendes, on peut dire qu’il est mis sous pression ! Est-ce que, d’après vous, il fume pour décompresser ?
Mathieu Kassovitz : C’est marrant, je peux pas trop vous dire, mais il se passe quelque chose dans la saison 4… J’ai demandé à Éric (Éric Rochant, le créateur de la série, ndlr) : « Tu es sûr de ton coup ? », il m’a dit « ouais, ouais ». Alors qu’on a affaire à des militaires, et on sait que les militaires ne fument pas. J’avais travaillé à Hawaï pour L’Ordre et la morale, où je jouais un mec du GIGN. Les mecs du GIGN ne fument pas de cigarette parce que c’est distrayant. Donc évidemment pas de joint. À Hawaï, il y a l’herbe la plus réputée du monde, la Maui Wowie, la plus difficile à trouver. Quand je suis arrivé sur le tournage, j’ai dit à toute l’équipe :« Personne ne fume autour de moi ! » Et la première personne que j’ai chopée en train de fumer, je l’ai virée. Parce que j’ai dit : « Je suis en ambiance militaire ! Je ne fume pas, je ne bois pas ! Je me réveille tous les matins à 5 heures, je fais deux heures de sport et je vais vous montrer. Tous les jours, vous avez intérêt à me suivre ! » Le seul truc que je n’ai pas réussi à arrêter pendant cette période, c’est de fumer des cigarettes. C’est une horreur, bourrée de produits chimiques faits pour vous rendre drogué.
Propos recueillis par Camille Diao et Christophe Payet, dans le cadre de leur podcast indépendant Banana Kush, le magazine des cultures du cannabis.
Visuel : (c) Camille Diao & Christophe Payet