Loin des Zones interdites, la virée dans la vie de deux ados marseillaises aère le « cinéma de banlieue »
Il y a encore quelques mois, Le deuxième regard, une association féministe mettait en garde le milieu du cinéma, quant à la déficience d’une représentation féminine dans les films et des stéréotypes liés au genre. Cette vigie a du apprécier qu’une certaine tendance de la production française aille, ces temps-ci, dans leur sens. Notamment avec Max & Lenny, le premier film de Fred Nicolas.
On a rarement vu un portrait de filles d’aujourd’hui via celui de deux donzelles et leur quotidien dans une banlieue marseillaise, aussi juste. Lenny, est une affranchie, n’a pas peur de tenir la dragée aux loulous du coin comme aux dealers de la cité. Elle est a l’aise dans ce monde là, en connaît les us et coutumes comme les poches de son pantalon de survet’. Mais c’est pourtant d’un ailleurs dont elle a envie, une bulle d’oxygène qu’elle trouve quand elle se met à rapper sur les terrasses des immeubles.
C’est là qu’un soir elle fait la rencontre de Max, une sans papier congolaise. Les deux filles vont se jauger avant de devenir les meilleures potes du monde, chacune faisant partager à l’autre son monde, sa culture.
Fred Nicolas, un assistant de Pierre Salvadori et Robert Guédiguian (ça situe déjà pas mal les ambitions humanistes du bonhomme…) ne signe pas un film de plus sur la vie dans les banlieues. Il s’évertue même à en sortir le plus possible Max et Lenny, en les suivant en dehors des barres HLM, pour aller dans les calanques ou sur le Vieux-Port. Nicolas n’est pas là pour faire le touriste ni les repérages d’une émission de Bernard de la Villardière.
Sans occulter les vicissitudes de l’environnement en téci, ou plus simplement celles d’une vie au féminin là-bas Max & Lenny reste un film essentiellement solaire, réconciliateur. S’il est question ici de pouvoir s’affirmer en tant qu’individu, cela n’empêche pas des phases douces, une insouciance le temps d’une virée dans la piscine d’une villa de bourges ou une bataille de polochon dans une chambre d’hôtel. Au moins qu’on ne serait pas surpris de découvrir au même étage, celle où les ados du récent Bande de filles s’éclataient dans un play-back sur Diamonds de Rihanna.
Plus fragile formellement (et sans doute économiquement, ceci expliquant cela) Max & Lenny a pourtant un avantage sur le film de Céline Sciamma. A aucun moment il ne tente de s’échapper de la réalité en fantasmant pour ces filles-là, une artificielle porte de sortie. Sans tomber dans le laïus sociologique, Nicolas trouve le ton et l’humilité juste pour les raconter. Max & Lenny ne sont probablement que des personnages de fiction (quoique le scénario doive beaucoup au parcours de la rappeuse Keny Arkana) mais leur histoire sonne juste, de la rogne permanente de Lenny, qui ne sait pas encore qu’il est possible de parfois baisser la garde à l’héritage d’une culture familiale africaine de Max.
Même quand il fait une virée par la case assistante sociale (Lenny n’a plus la garde de sa fille, Max s’occupe de ses frères et de sa grand-mère), rien ne ressemble ici à la commisération avec laquelle la fiction française regarde -de moins en moins- ces enfants de la banlieue.
Max & Lenny préfère comprendre la rébellion de Lenny ( remarquable Camélia Pand’or) pour aider à l’assouplir via Max (non moins épatante Jisca Kalvanda). Qu’importe les quelques facilités d’écritures qui ramènent ici et là ce film vers certains raccourcis. Ils sont pardonnés par la rencontre faite avec ces deux filles nature et une spontanéité qui, elles, sont authentiques.
En salles le 18 février