À Paris, cette dessinatrice franco-écossaise esquisse le « service civique d’inactivité », un rendez-vous quotidien obligatoire avec l’ennui et « l’immobilité inefficace », sans écrans ni yoga. Zéro injonction à être zen. Une heure pour que dalle, nada, walou. Waou !
Un arbre lui pousse dans le cœur. Pour Faune et flore, l’un de ses autoportraits à l’encre noire sur fond blanc rassemblés dans l’exposition Double Trouble visible à la galerie parisienne Arts Factory jusqu’au 26 juin, Maya McCallum se représente assise, le sein gauche à l’air libre, entourée d’angelots chérubins qui peignent ou croquent des fruits défendus, dans un ardent buisson de mains élastiques et de fleurs vaginales. Pour Sacré-cœur, son alter ego s’accroche à un myocarde en flammes, que trois cosmonautes en apesanteur semblent analyser ; les anges se sont démultipliés et cette forêt de symboles ésotériques devient de plus en plus inquiétante. Enfin, sur Printemps 2020, elle apparaît via trois versions d’elle-même masquées et ligotées sur une chaise, tenant un crayon, un sablier ou la planète Terre, avec es œufs sous cloche et un pangolin dont on ne voit que la queue ; tout autour, sept anges dansent en regardant tourner des horloges.
Mais qui est Maya ? Selon ses propres mots, cette dessinatrice franco-écossaise de 43 ans est une « enfant de la Goutte d’Or », qui vit et travaille à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), après avoir « écumé dès 1995 la scène rock indépendante avec de nombreux projets à l’esprit Do It Yourself largement assumé ». Très tôt « fascinée par le surréalisme, le psychédélisme ou la dimension médiumnique de certains artistes issus de l’art brut », elle pose ses guitares début 2014 pour reprendre le dessin, via des « fresques érotico-baroques réalisées à la limite de l’état de transe » ou de « foisonnantes frises aux motifs hérités de la Renaissance », entre esthétique punk-rock, iconographie judéo-chrétienne et décorum fétichiste.
Pour Double Trouble, expo qui l’associe au dessinateur Jean-Luc Navette, elle revisite donc l’art de l’autoportrait, via des dessins qui saisissent par la luxuriance minutieuse de leurs détails. « Ma technique me demande des heures (des jours, des mois) pour finir un dessin. Cet appel impératif et obsessionnel des détails, des petits traits noirs, m’apporte une qualité de concentration proche de la méditation. Ce temps long et suspendu est devenu le refuge évident de ma pensée, une accalmie salvatrice, à contre-courant d’un monde qui me semble souvent trop peuplé, trop bruyant, trop rapide pour ma nature plutôt contemplative. »
Ces accalmies, un soir, lui ont donné une idée, qu’elle esquisse ici : le « service civique d’inactivité », un rendez-vous quotidien obligatoire avec l’ennui et « l’immobilité inefficace », sans écrans ni yoga. Zéro injonction à être zen. Une heure pour que dalle, nada, walou. Waou !
Réalisation : Mathieu Boudon.
Galerie Arts Factory, 27 rue de Charonne, Paris 11e.
Pour écouter une autre utopie improductive signée du musicien Floyd Shakim, c’est ici : https://www.nova.fr/news/floyd-shakim-demain-on-applaudira-tout-ce-qui-est-rate-foireux-mal-prepare-130414-25-02-2021/
Dessin : Maya McCallum, fragment de Vanité (2019).