Avant d’être un hashtag, le « Me Too Movement » était une campagne de soutien aux victimes de violences sexuelles dans les milieux défavorisés.
La multiplication de témoignages dans l’affaire des violences sexuelles perpétrées par le producteur américain Harvey Weinstein a laissé l’Amérique avec un goût amer. En réponse, une solidarité se met en place, et les langues se délient (notamment sur Twitter) sur différentes situations de violences et de harcèlement.
If you’ve been sexually harassed or assaulted write ‘me too’ as a reply to this tweet. pic.twitter.com/k2oeCiUf9n
— Alyssa Milano (@Alyssa_Milano) October 15, 2017
L’actrice Alyssa Milano s’est vue encensée après avoir lancé le hashtag #Metoo, qui encourage les femmes à tweeter « Moi aussi » lorsqu’elles ont été harcelées ou agressées – sans forcément raconter leur histoire, ni dénoncer leur agresseur. Ces derniers jours, le phénomène a pris une ampleur immense à l’international, et le but annoncé par l’actrice, « rendre compte de la magnitude du phénomène », a certainement été atteint. Localement, des initiatives se mettent en place pour que #Metoo ne soit pas qu’un trending topic, mais une véritable prise de conscience sociétale, politique, éducative, judiciaire. La force de frappe des réseaux sociaux pourrait engager un dialogue nécessaire, pour lequel de nombreuses activistes se battent depuis longtemps. C’est le cas de Tarana Burke. Le 17 octobre, Alyssa Milano lui rendait hommage sur Twitter : « On vient de me signaler un mouvement #metoo antérieur, dont l’histoire est aussi triste qu’inspirante. »
I was just made aware of an earlier #MeToo movement, and the origin story is equal parts heartbreaking and inspiring https://t.co/tABQBODscE
— Alyssa Milano (@Alyssa_Milano) October 16, 2017
Tarana Burke, fondatrice du « Me Too Movement »
Tarana Burke est une activiste afro-américaine, originaire d’Harlem. Travailleuse sociale, elle évolue depuis longtemps dans les communautés défavorisées de New York, auprès des jeunes, et particulièrement auprès des victimes de violences sexuelles. Elle-même « survivante » d’une agression sexuelle, elle a créé il y a dix ans le « Me Too Movement », qui fournit un soutien émotionnel aux victimes. Son principe : « Empowerment through empathy » (l’empouvoirement par la compassion).
Shout out to my girl @taranaburke who has been advocating for assault victims & saying #MeToo for years. https://t.co/myOqjWJKx2 pic.twitter.com/0c4grmUOju
— Britni Danielle (@BritniDWrites) October 16, 2017
Il vise à créer une solidarité et une sororité entre les victimes. Tarana Burke expliquait récemment à Mic : « J’ai passé beaucoup de temps, au début de ma vingtaine, à me demander comment j’allais guérir. J’ai beaucoup parlé, à des amis, à ma communauté, mais là où j’ai trouvé un réel espace de parole, c’est lorsque les gens pouvaient compatir avec moi. »
« Je crois à la beauté de « Me Too », à la beauté de la communauté, du soutien que les gens peuvent s’apporter. Ce à quoi nous avons assisté ces 24 dernières heures [sur Twitter, ndlr], c’est la définition même d’une communauté. (…) Les survivantes sont les seules à vraiment pouvoir comprendre les autres survivantes. »
L’invisibilisation des femmes noires
Le magazine Ebony, qui a interviewé Tarana Burke, insiste sur l’exclusion des femmes noires dans le débat actuel sur le harcèlement. L’activiste explique que dans ce cas précis, « les célébrités qui ont popularisé le hashtag n’ont pas pris le temps de vérifier si un travail avait déjà été entrepris. Mais elles essayaient de prendre position plus globalement. Je ne leur en veux pas, je ne pense pas que ç’ait été intentionnel. Pourtant, le rôle de certaines collaboratrices a failli être diminué ou effacé. Il a fallu se manifester pour que cela n’arrive pas. »
L’invisibilisation des femmes noires, et des femmes de couleur en général dans les mouvements féministes est un sujet récurrent. Dans le cas de #Metoo, la fermeture du compte twitter de Rose McGowan a cristallisé les tensions. Après un conflit avec Ben Affleck suite aux premières révélations de l’affaire Weinstein, et la censure de son compte, elle a demandé le soutien de toutes les femmes, en les appelant à quitter la plateforme pour une journée en signe protestation. En réponse, des femmes afro-américaines ont pris la parole. Parmi elles, la réalisatrice Ava DuVernay fait remarquer que les femmes de couleur n’ont jamais reçu un tel soutien dans les cas de violences sexuelles.
Calling white women allies to recognize conflict of #WomenBoycottTwitter for women of color who haven’t received support on similar issues.
— Ava DuVernay (@ava) October 13, 2017
Comme souvent, les questions liées aux droits des femmes soulèvent celles liées à toutes les inégalités. L’exemple de Tarana Burke vient rappeler que si le dialogue doit avoir lieu à propos des violences sexuelles, il ne se fera pas sans inclure toutes les femmes, et toutes les communautés qui en souffrent.
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