La chronique de Jean Rouzaud.
Les années soixante ont eu un « état de grâce » concernant le cinéma !
Il n’y eut pas que la France pour trouver un nouveau ton, un réalisme, un regard sur la jeunesse, la vie, les mœurs, sur fond jazzy, avec la Nouvelle Vague (Godard, Chabrol, Truffaut, Rohmer, Bresson…)
Le tchèque Milos Forman (Vol au-dessus d’un nid de coucou, Amadeus…) va créer un style extraordinaire de comédie néoréaliste, pleine de poésie, d’humour, de vérité avec quelques films devenus des classiques : L’As de Pique, Les amours d’une blonde, et Au feu les pompiers !. Deux millions et demi d’entrées, record dans son pays.
De la Tchécoslovaquie aux États-Unis
On est vers 1965-67, Chabrol dira : il a trouvé le secret ! Claude Berri sauvera le troisième film des griffes de la censure tchèque (Au feu les pompiers !), car dans ces comédies parfaite de tendresse et de burlesque, la satyre politique est forte : les régimes de l’est sont déjà caduques (Milos Forman va devoir fuir en Amérique, Polanski à Londres).
À Paris, ces cinéastes de l’est font le bonheur de Mai 68 : c’est drôle, moderne, vrai et touchant, sans aucune fioriture, tourné à l’épaule, façon reportage, méthode souple et radicale, qui va se répandre… (à Londres, c’est le polonais Jerzy Skolimovski, avec Deep end qui va faire un film révolutionnaire et culte d’un employé de piscine, puis il fera Travail au noir, toujours des films sociaux, engagés).
Il faut voir, ne serait-ce que des extraits de ces images parfaites de Forman, avec des acteurs non-professionnels, sidérant de vérité, saisis en film reportage rythmé, si réussi dans leur naturel, cru et quotidien, avec un potentiel poétique énorme…
Jean-Claude Carrière, un de nos érudits, qui travaillait avec Luis Buñuel, va immédiatement collaborer avec Forman pour son premier film américain Taking Off, satyre des bourgeois voulant jouer aux hippies, s’essayant au joint de Marijuana ! (une scène d’anthologie, où des gens coincés partent en vrille ! Du jamais vu…)
Mais c’est avec ses trois films tchèques qu’il a convaincu le monde et les producteurs de son talent incroyable et si révolutionnaire dans une époque qui voulait bouger, s’exprimer, mais ne savait pas comment ? Forman avait la clé…Vérité et simplicité.
Forman peint des révoltés, des décalés, à des moments de révolution ou de bascule
Ses succès et échecs américains vont confirmer sa force (Vol au-dessus d’un nid de Coucou avec Jack Nicholson, ou Amadeus, puis Hair qui arrivera trop tard, comme Taking Off était arrivé un peu tôt pour être compris).
En réalité Forman peint des révoltés, des décalés, à des moments de révolution ou de bascule, et il capte ces instants de fracture, de nouvel espoir et aussi d’attitudes humaines libérées par ces craquements.
Découvrez Milos Forman, à l’heure de Misérables, lui qui fut un grand militant de la jeunesse incomprise, de la société absurde, des rebelles par la force des choses… Un véritable ancêtre de la modernisation du cinéma, qui n’était que spectacle.
Milos Forman. Œuvres de jeunesse. Éditions Carlotta Films. L’As de pique (1963), Les amours d’une blonde (1965), Au feu les pompiers ! (1967). La trilogie magique et charnière du tchèque génial (rappelons que Forman est un fou de musique, et qu’il a traité des jeunes qui veulent se lancer, avec L’audition, son premier moyen-métrage, une idée qui ne le quittera pas).
Les films de ce coffret sont, à ce jour, programmé dans les salles / villes suivantes : Dijon / Eldorado, Albi / Laperouse, Avignon / Utopia et plus tard à Orléans / Les Carmes, Besançon / Kursaal, Rouen / Omnia.
Sortie en DVD au printemps. Distribué par Carlotta Films.
Visuel en Une © Les amours d’une blonde de Milos Forman