Qui a dit que l’Armée était une affaire d’hommes ? Pas Rachel Lang. Encore moins le second film de cette réalisatrice, « Mon légionnaire ».
Dans Mon légionnaire, il y a bien des soldats, mais tout autant leurs compagnes. Elles forment une quasi-communauté dans un coin de Corse, en attendant que leurs conjoints reviennent de mission au Mali. Une opération qui n’a rien d’une routine et pourtant, c’est ce qu’essaie de filmer Lang, cet ordinaire d’une vie de couple singulière quand elle est autant soumise au devoir qu’au conjugal. Mon légionnaire gravite autour de ces allers-retours : alors qu’un lieutenant part au front laissant son épouse à la base, une jeune ukrainienne y débarque accompagnant une nouvelle recrue. Lang en fait un double champ de bataille, en alternant séquences sur le terrain dans le feu de l’action et immersion dans le quotidien des femmes rongées par le feu de l’inaction, craignant chaque jour qu’on leur apprenne que leurs hommes sont tombés pour la France.
La question du bien fondé de la présence militaire français au Sahel n’est pas le souci de Mon légionnaire, film qui s’attaque avant tout à une guerre d’usure, celle où les blessures ne sont pas causées par balles, mais par les limites de l’engagement, qu’il soit au nom de la nation ou au nom du cœur. La question centrale posée par Lang étant de savoir faire face à un quotidien doublement régulé par la peur de ne plus être loyal à ses idéaux. Mon légionnaire ausculte ce front commun pour ces femmes et ces hommes avec une rigueur qui invoque la précision clinique, pour ne pas dire militaire, d’une Kathryn Bigelow (Démineurs) mais aussi la compassion pour l’élément humain du cinéma d’une Claire Denis (Beau Travail). Peut-être Lang doit peut-être cette inattendue combinaison à un parcours peu commun, qui l’a amené à faire ses armes au cinéma tout en étant officier de réserve. Un cadre qui l’a très probablement amenée à observer de près le fonctionnement de l’armée et son impact sur l’intime. En ressort un film étonnant quand il interroge le prestige de l’uniforme sans pour autant se mettre au garde à vous, voire ayant l’intelligence de revisiter avec nuance et complexité, la fameuse trilogie travail, famille, patrie comme de donner une parole aussi inédite que forte aux souffrances d’une institution surnommée La grande muette.
En salles le 6 octobre
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