Le premier disque d’Air est à l’épreuve du temps.
Aujourd’hui, jour pour jour, il y a vingt ans, paraissait Moon Safari, un premier disque réalisé par deux jeunes français. Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel. Un disque qui allait faire rayonner à la face du monde un tropisme français dans la subtilité de la composition de musique électronique.
Nicolas & Jean-Benoît : enfants du rock
Pourtant, le duo de Versailles n’avait que le rock dans le coeur à ses débuts. Alors âgés de 15 ans, les deux chantent des chansons en Anglais et se rêvent en stars internationales à guitares. Quand leur label de l’époque veut les faire chanter en Français, ce rêve s’estompe. On ne choisit pas ses parents, ni les trottoirs où on apprend à marcher, disait l’autre, et Nicolas et Jean-Benoît sont des Français de Versailles, ils ne puent pas le rock’n’roll, qui de toute façon, pour eux, se chante en Anglais.
Ce sera donc l’architecture pour l’un et puis les mathématiques et la physique pour l’autre, des directions nettement plus dans leurs cordes…
« Enfermés dans leur chambre, Jean-Benoit et Nicolas écoutaient Pink Floyd en rêvant de fonder un groupe de rock pour pouvoir vivre de leur musique / Mais perdus entre les 3 avenues, ils entendent la vie leur chuchoter / Qu’un vrai métier, c’est architecte ou professeur de mathématiques », résumait Fuzati dans « Sous le signe du V », son morceau produit, justement, par Air.
C’était alors sans imaginer que leurs calculs dessineraient plus tard les plans d’un disque majeur d’électronique savante et classieuse.
Pourtant, le Paris d’alors résonne et vibre aux sons d’une scène électronique hors normes, portée par un disque intemporel, le Homework de Daft Punk. Prendre d’assaut le monde tout en étant français était donc devenu possible…
Moon Safari, ou l’anti Homework
C’est avec un disque à l’opposé total du premier album des Daft qu’Air va, néanmoins, marquer la musique de son nom. Alors que tous les fans de garage et de house sortent en permanence, que ce soit en rave ou aux soirées Respect Is Burning, avides de toujours plus de musique, les camarades d’Air restent cloitrés chez eux. Leurs références sont plus à chercher du côté de Herbie Hancock ou de Serge Gainsbourg. Air veut faire de la musique de chambre, mais électronique, tout en étant composée avec des instruments analogiques. Un tour de force.
Seule une voisine américaine, Beth Hirsch, les visite de temps en temps, et cosigne deux titres qui figurent au tracklisting. Paradoxalement, Moon Safari est un premier disque de la maturité, ceux de jeunes parents qui ne sortent plus, ont abandonné les rêves de rockstar adolescents, et font ce qu’ils pensent savoir faire, tout en priant pour que cela puisse les faire manger…
Et c’est ainsi que s’écoute le disque, entre soft rock et arrangements qui sonnent grandiloquents, entre consonances électroniques et supplément d’âme analogique, Moon Safari est une photographie de la vie de deux musiciens qui se découvrent artistes.
Porté par « Sexy Boy » qui vient d’un simple riff de Nicolas sur lequel Jean-Benoit s’exclame « Sexy Boy ! », l’album tient son tube, en forme de manifeste d’un idéal que les garçons veulent chanter, dans la foulée « Kelly Watch The Stars » en fait un succès mondial. Et c’est parce qu’il a parfaitement sur immortaliser un moment d’existence, de hasard et de surprise qu’on peut aujourd’hui affirmer de ce disque qu’il est intemporel.