Au début du XXe siècle, l’Égypte et le monde découvre la voix d’une artiste devenue représentante de tout un peuple au travers de son œuvre et de ses engagements.
« Papa, je peux mettre la musique que je veux ? Oui, après Oum Kalthoum » Cet échange, des millions d’égyptiens l’ont vécu sur les routes. Oum Kalthoum, éternelle comme les pyramides, a marqué le paysage culturel de l’Égypte et sa voix s’est durablement imprimée dans les oreilles de ses habitants. Son nom est pour la première fois gravé sur un disque en 1926, deux millions de personnes se presseront à ses obsèques près de 50 ans plus tard pour pleurer celle qui a été la mère de tout un peuple.
Entre temps, la Diva eu le temps de récolter quelques distinctions en Égypte comme à l’étranger, d’apparaitre sur les grands écrans, et de peser sur la politique culturelle de sa nation. Aujourd’hui, un roman graphique propose de revenir sur la trajectoire de comète de cet Astre d’Orient.
Le Rossignol du Nil
Rien ne prédestinait Oum Kalthoum à suivre le parcours qu’elle a emprunté. Fille d’un imam, qui lui donne le prénom de la fille du prophète, et d’une mère qui travaillait dans les champs à la cueillette du coton, « la voix des Égyptiens » nait dans un village du Delta du Nil au crépuscule du 19e siècle. Ses cordes vocales sont comparées à celle d’un Rossignol dès son plus jeune âge, quand elle reprend des chants tirés du Coran, découvert en cachette en espionnant des échanges entre son père et son frère.
Impressionné par son interprétation des vers sacrés, le paternel lui propose, après hésitations, de les chanter en public, lors de cérémonies religieuses, à condition de se travestir en garçon. C’est donc déguisé que le Rossignol prend pour la première fois son envol, sur un chemin qui le mènera au Caire, dans les salons les plus respectés de la ville.
À 22 ans, Oum Kalthoum apparait pour la première fois sous sa vraie apparence, celle qu’elle conservera le restant de ces jours, celle d’une chanteuse. En 1926, son premier grand succès passe par la presse à 78 Tours. Avec son premier album Si Je te Pardonne, écrit et mis en musique par Ahmed Rami et Mohamed El Kasabgi, tout l’orient découvre la voix d’Oum Kalthoum.
L’Astre d’Orient
À partir de ce moment-là, Oum Kalthoum est devenue l’un des noms les plus connus de la musique orientale. On trouve ses disques dans les foyers de tout le monde arabe et les jeudis, de 22 h à minuit, sa voix envoutait les oreilles égyptiennes en passant sur les ondes de la radio MASR, un concert radiophonique devenue rendez-vous national.
La Diva était également considérée comme un soft power pour l’Égypte, son œuvre participait (et participe toujours) au rayonnement culturel du pays. Les journaux la surnommaient parfois « la mère de l’Égypte » pour ses actions sociales (financement d’une bourse d’étude pour les enfants du pays, fondation d’une bibliothèque dans sa ville natale, Tmaë) ou en prêtant sa voix dans des textes engagés en faveur des peuples d’orient. Vous l’avez compris, les sobriquets, Oum Kalthoum les a collectionnés tout au long de sa vie. « La Diva », « la 4e pyramide d’Égypte », « l’Astre d’Orient » ou « La Dame » – surnom donné par un certain général de Gaulle, qui comptait parmi ses admirateurs.
Selon la légende, c’est ce même haut-gradé qui aurait suggéré à Bruno Coquatrix (Directeur de l’Olympia) d’inviter Oum Kalthoum dans la salle parisienne. Une représentation de trois heures pour trois morceaux, réalisé devant un public venus des quatre coins de l’hexagone. Cette anecdote, on la retrouve en images dans les pages d’Oum Kalthoum, Naissance d’une Diva. Ce roman graphique est le fruit du travail commun de la journaliste Nadia Hathroubi-Safsaf et de l’illustratrice Chadia Loueslati, parue aux éditions La Grenade.
Idéal pour découvrir la vie d’Oum Kalthoum si vous ne la connaissez pas, et si vous la connaissez, vous êtes surement déjà sur le site de la Grenade pour commander cette nouvelle déflagration. Pour les franciliennes et franciliens, vous pouvez découvrir quelques illustrations extraites de ce roman, jusqu’au 26 mars au FGO Barbara, à Barbès-Rochechouart.