De retour à La Réunion pour une immersion au cœur des deux événements culturels majeurs de l’île intense ! Rencontres, concerts, échanges, art-tivisme et beauté de la nature enregistrés dans mes micros !
Comme une impression de déjà vu avec son lot de surprises et d’émotions. Une semaine inoubliable passée une seconde fois sur l’île Intense pour découvrir une version inédite du Indian Ocean Music Market, le IOMMa Lab, et remettre mes pieds et mes oreilles pour la dix-neuvième édition du Sakifo festival. Après avoir oublié rapidement le béton de Lyon, un bain salvateur dans le lagon de Saint-Pierre et l’aventure commence, j’vous raconte !
LE IOMMa LAB
Mercredi 31 mai 2023 : Après onze heures de vol, me voici donc de retour à La Réunion ! À peine arrivé à l’aéroport, je retrouve les odeurs, les paysages, le créole et beaucoup de visages familiers. Un bonheur de distinguer les empreintes que j’avais laissées sur cette île ! Dans le bus, la bande de l’an passé est quasiment réunie. Nous voici tous enchantés de revenir à destination de Saint-Pierre, au sud, où je pose mes bagages de nouveau dans le charmant hôtel familial, le Lindsey. L’appel à la prière de la Mosquée retentit, le soleil traverse les rideaux, je suis paré, comme on dit en créole. Cette fois-ci le IOMMa se déroule sur deux jours, sous une nouvelle version (raison de subventions et une volonté de penser au futur de cet événement). C’est à quelques kilomètres, à Étang-Salé, que je retrouve les différents professionnels au Blue Bayou.
Les conférences commencent, on partage nos expériences, on se questionne sur l’avenir des circulations des musiques dans l’Océan Indien. Et on fait beaucoup de rencontres, bookers, managers, artistes de l’Océan Indien, comme la rappeuse botswanaise Danielle Swagger (à suivre de près). Le soir, dans le jardin du lieu, une scène nichée entre les arbres, un contexte idéal pour savourer les showcases. Le groupe de maloya, Simangavole, ouvre le bal. Cette formation, panafricaine féminine dirigée par des chanteuses, perpétue la culture de leurs ancêtres, descendants de marrons. C’est pour cela que le nom du groupe fait référence à Tsimangavolo, symbole de la résistance des populations africaines sur l’île au temps de l’esclavage. On termine cette soirée, envoûtés par le maloya habité de l’illustre poète-musicien-chanteur Zanmari Baré (son interview ICI).
Mercredi 1er juin 2023 : De retour au Blue Bayou, accueilli par le PRMA (Pôle Régional des Musiques Actuelles) pour le traditionnel « riz chauffé » pour ouvrir le petit-déjeuner des managers. Nadège Nagès, chargée de production et véritable art-tiviste de ce pôle, m’explique tout, de leurs actions culturelles jusqu’à l’histoire de ce met typique de l’île. Après être rassasié et en ébullition avec le piment, c’est l’instant parfait pour « Kozé ». Eric Juret aka « Blanc-Blanc » m’explique l’importance de tenir ce IOMMa malgré cette année particulière. Une version laboratoire qui s’enchaine avec deux concerts au Théâtre des Sables où l’on voyage avec Salangane et leur maloya métissé qui lorgne vers les sonorités d’Afrique de l’Est et de l’Ouest. S’ensuit des discussions autour d’un verre, une rencontre fortuite avec le poète et chanteur mauricien Richard Beaugendre, et me voici de nouveau dans le théâtre pour une expérience onirique et rythmée avec Eat My Butterfly, projet de la multi-instrumentiste et chanteuse Dilo (décidément mon destin fait que je la croise chaque séjour dans l’Océan Indien) qui mêle maloya, électronique, beatmaking, à différentes influences.
LE SAKIFO
Jeudi 2 juin 2023 : Je rejoins à nouveau Nadège Nagès (Team PRMA), décidée à me montrer une partie de l’île avant qu’elle me perde durant soixante-douze heures au sein du Sakifo. Une pause sur la plage de sable noir de Ti-Sable près de la commune de Saint-Joseph et direction le site du festival à Saint-Pierre, qui souffle sa dix-neuvième bougie. Après une interview avec le légendaire Ti’Fock, je passe un long moment avec celui qui a pensé le Sakifo, Jérôme Galabert. Témoignage de vie et d’expérience et retour dans l’historique du festival. Après ces belles palabres, c’est parti pour trois jours intenses jusqu’au 4 juin, qui commencent avec le concert de l’une des nouvelles voix du maloya, Ann O’aro sur la scène Filaos, suivit de l’énergie débordante de Sho Madjozi, figure d’un style fusionnant hip-hop, amapiano et gqom, qui enflamme la scène Salahin. Forcément je l’interview après son show, tout comme la chanteuse mahoraise Zily, qui a partagé sur la scène Poudrière son univers détonant, mêlant soul, rythmiques malgaches, mgodro de Mayotte, un régal ! On va ensuite checker Flavia Coelho en mode soundsystem, ou la très prometteuse Lisa Ducasse qui un an après le IOMMa, se produit sur la scène Ti Bird, conçue à 360 degrés sur la plage au bord de l’Océan. Et enfin, on termine à la salle verte, dans l’esprit des bals poussières d’antan, en transe sur le kabar maloya. Le Sakifo, c’est l’esprit de La Réunion, cinq scènes qui représentent cette île ouverte sur le monde avec un vivier d’artistes très prolifiques et incroyables.
Cinquante-deux concerts, des rires, de la danse, du partage, des claques (merci au groupe maloya-mandingue Madiakanou, je ne m’en remets toujours pas…), les interviews (et parfois les rhums) fusent, pendant ces trois soirs. Le chanteur jamaïcain Kabaka Pyramid, récompensé d’un Grammy pour son dernier album, m’explique sa vision du reggae, Bamba Wassoulou Groove me fait voyager dans l’âge d’or de la musique malienne dans les seventies (en écoute ICI), Turkana me livre son parcours des camps de réfugiés au Sud-Soudan jusqu’aux scènes internationales underground, Kabar Jako est revenu sur la création de son maloya électro qui a inspiré Aphex Twin. Dans ce périple, je croise les copains lyonnais de LASS et d’autres qui jouent aux côtés d’Ibrahim Maalouf, on peut dire que la boucle est bouclée. L’an passé, j’avais prédit une longue histoire avec le Sakifo, c’est bel et bien parti, encore beaucoup d’émotions avant de dire au revoir à toutes ces belles personnes, le temps d’une baignade, et de se retrouver l’année prochaine pour les vingt ans du festival.
Nartrouv’ IOMMa et Sakifo !