Quelques vérités sur la littérature Beat, énoncées par Charles Bukowski.
Jean François Duval a le rare mérite de connaître ce dont il parle. D’ailleurs c’est aux presses universitaires de France qu’il a publié son enquête sur la Beat Génération.
Car il faut savoir que les mousquetaire de l’écriture « Beat », Kerouac, Burroughs, Ginsberg, et les autres, Cassady, Corso, Ferlinghetti, Gysin, Huncke (le vrai inspirateur du mot « beat » qui veut dire Crevé, battu, foutu… et pas béat ou rythme !!), n’avaient en fait PAS GRAND CHOSE en commun !!!
C’est un coup média de l’époque, comme souvent, et en prime on vendit les premiers « beat books » comme des romans scandaleux bourrés de sexe ! Une littérature de gare pour refoulés !
Les couvertures ne montrent que des filles déshabillées et des fêtards en rut. Un peu l’équivalent de nos « existentialistes » de Saint-Germain-des-Prés, avec les mêmes principes de base : sortir, boire, baiser… Car le vécu, le réalisme poétique, la souffrance de la rue ne font pas vendre.
Cela n’enlève en rien leurs idéaux : le rythme échevelé de Kerouac, la sobriété sans concession de Burroughs, les premières visions de Ginsberg…L’originalité des auteurs est réelle ; mais le groupe, lui, est disparate, et avec le temps et l’argent, sont arrivés les escrocs.
Et le mouvement hippy, après une dizaine d’année, est venu montrer l’ampleur de leur influence, en même temps que les limites d’une génération désengagée et fuyant la réalité mercantile ou guerrière. Ensuite se sont abattus les effets pervers d’une généralisation massive d’attitudes au départ individuelles.
Pour nous faire comprendre ces glissements , ces errements, ces frimes et autres trahisons d’idéaux beatniks, JP Duval a trouvé le témoin idéal : BUKOWSKI…Charles Bukowski, l’écrivain maudit, entre John Fante et Jack Kerouac, qui en matière de beuveries, de coucheries et de bagarres, n’a rien à envier aux poètes beats.
Et puis Bukowski est un kamikaze qui, au moment de ce livre, n’a plus rien à prouver et peut tout se permettre. Et comme très peu d’auteurs trouvent grâce à ses yeux, on évite les légendes flatteuses des fans et autres victimes du culte «beat ».
Dans ce livre, il y a un historique pour vous rafraîchir la mémoire, des histoires autour de Bukowski observant la montée du soi-disant mouvement beat, envisageant cette gloire qui va empoisonner Kerouac. On trouve même une longue interview plus générale de Bukowski devant sa femme (vers 1985, comme témoin ?)
Et ce grand méchant loup va dévorer les illusions qui pouvait rester, une trentaine d’années après les faits et après la mort de Kerouac, sur cette génération. Bukowski lui, vivra encore une dizaine d’années.
Et Bukowski-Chinaski (son double littéraire) n’y va pas de main morte : chaque idole a son couplet, sa fausse note épinglée par le vilain Buk, empêcheur de tourner en rond, qui avait quitté le plateau d’ « Apostrophes » (émission cuculte de Bernard Pivot), écoeuré devant ce parterre de snobs parlant d’eux mêmes…
Deux rescapés de son couperet : Dostoievski et Céline, tous les autres étant trop tendres ou complaisants avec eux mêmes. Ainsi de William Burroughs, qu’il a refusé de rencontrer, devenu un post- junkie froid et cérébral. D’Allen Ginsberg, qui a viré à une sorte d’Hare Krishna hippisant. Et même de Jack Kerouac qu’il accuse d’avoir utilisé le seul vrai aventurier, Neal Cassady, héros de Sur la route et modèle des écrivains, et de l’avoir déformé et vampirisé.
Du coup, on se retrouve avec une vision écrémée, purifiée et simplifiée de cette période, débarrassée des mythes béats sur la liberté, la dérive, les vibrations cosmiques et autres inventions dues aux amphétamines, joints, vins et autres whiskies frelatés.
Réédition augmentée de Buk et les beats de Jean François Duval . MICHALON éditeur. 270 pages . 22 euros ( avec photos et dessins )