Lorsque Soul Jazz remonte aux origines
Quand j’étais petit, j’écoutais Fats Domino avec ravissement. Cet homme mystérieux et unique jouait un rock cool qui donnait l’impression d’une pompe. Son génie particulier et son rythme unique me revinrent aux oreilles avec le ska, puis certains morceaux de reggae. Les Jamaïcains aussi avaient écouté Fats !
À La Nouvelle-Orléans, l’agitation
Mais c’était à la fin des années 50. Ce que j’ignorais, c’est que bien d’autres petits génies s’agitaient du côté de New Orleans, et que ce rythme alterné, décalé sur lui-même, s’appelait aussi le funk, que j’allais entendre par une autre source : le rythme and blues, vers la fin des années 60.
Bien plus tard, j’appris que ces excellents musiciens de Louisiane, dans le sud, avaient donc mis au point ce tempo si fort et dansant, mais que bien d’autres petits malins du nord, de l’ouest et d’ailleurs le répandaient à leur compte dans toute l’Amérique et le reste du monde !
Pendant que mes sudistes jammaient, et rendaient fous des salles entières, d’autres enregistraient, pressaient, puis vendaient le truc…
Ce n’est qu’à la fin des années 70 que je découvrais enfin le Professeur Longhair, Docteur John, Allen Toussaint, The Meters , Clifton Chenier ou les Neville Brothers, dans le désordre. En réalité la source était belle et coulait depuis longtemps.
Soul Jazz vient de sortir un CD + Booklet qui raconte la sarabande des Français, puis Espagnols, puis Acadiens « cajuns » (du sud-est du Québec), chacun fuyant quelque chose où s’installant à New Orleans. Puis ce fut le réveil des « hommes libres noirs », ces Africains-américains à mesure qu’ils s’émancipaient, suivi des Indiens locaux (Eagles, Pocahontas, Magnolias…)
C’est la lente et pénible libération des anciens esclaves, des natifs et d’autres classes pauvres, obligés de se réinventer une vie et une culture propre. C’est de ce « chaudron » que vont sortir producteurs, auteurs, chanteurs et des musiciens à part, puisqu’ils avaient en plus, la touche vaudou (passée par Haiti, Cuba-Santeria ou même Jamaïque) ajoutant une note d’irrationnel et de mystique.
Même les blancs, catholiques ou baptistes américains, avaient aussi leur « Godspell », et leurs manières de se balancer avec leur prêcheurs, ce qui allait permettre de créer des groupes mélangés et ouverts, à la palette large.
Avec les labels Stax, Chess et Motown, ces formations finiraient par s‘imposer, y compris pour le public blanc, passées les vagues Rock n Roll et British et même soul, pour retomber sur le vrai R and B : funk !
Soul Jazz Records en est à son 4ème volume du « Original Sound of Funk », issu de La Nouvelle-New Orleans Funk – The Original Sound of Funk 1960-75f Orleans, avec 18 titres et encore un étage des Funky New Orléanais ! Dave Bartholomew (un des pionniers), Clifton Chenier, Betty Harris, Eddie BO…
Le livret Soul Jazz raconte aussi comment l’esprit (Loa) gardiens des croisements et Carrefours, nommé Legba dans le culte Vaudou, vient peut-être du Français, là-bas ! Ou que la famille Neville descend des Indien magnolias…Ces Indiens des côtes et marais qui participent au carnaval, couverts de perles et de plumes et possèdent de fantastiques fanfares matinées de funk !
J’ai admiré l’histoire des ces premiers Afro-américains qui créés en 1916 Le « Zulu Social Aid and Pleasure Club », s’habillant avec des feuilles et lançant des noix de coco, pendant leurs défilés, afin de fracasser les clichés, ou comment les Indiens rescapés des bayous de Louisiane inventent le « Creole Wild West » pour répondre au cirque de Buffalo Bill « Wild West Show »…Comme si cet endroit particulier faisait naitre des réponses aux exploiteurs.
Légendes multiples
La légende de La Nouvelle-Orléans a tant de sources et de couches, certaines douces et suaves, d’autres dures ou épicées, qu’il faudrait des années pour démêler toutes les histoires de tous ces peuples, et du légendaire creuset culturel qui en est sorti. Comme avec la Jamaïque, Haiti ou Cuba, un lieu magique est né des divers embryons et s’est développé inexorablement. L’ouragan Katrina a montré à quel point cet endroit est à part, comme séparé de l’Amérique, incompris sur son coin de continent…
Un autre CD Soul Jazz de 17 titres sur Betty Harris vient compléter ces mémoires du sud. Née en Floride, cette chanteuse ira en Californie, à New-York, puis travaillera avec Allen Toussaint, issu de l’école Bartholomew, producteur de Dr John et des Meters.
Soul Queen des années 60, elle stoppe en 1970, se contente modestement d’enseigner et de chanter dans une chorale et ne reprendra le scène qu’en 2000. Elle procure le même Groove puissant et profond que ses cousins de Louisiane.
New Orleans Funk – The Original Sound of Funk 1960-75, Soul Jazz Records. CD de18 titres et un livret avec photos, historique et bios de 40 pages. +BETTY HARRIS . The lost queen of New Orleans Soul . CD 17 Titres Soul Jazz.
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