Une anthologie du rap new-yorkais chez Le Mot et le Reste.
Une fois que l’on a compris que le Rap new-yorkais, porté au départ par des Jamaïcains émigrés (comme Kool Herc) qui ont tenté (et réussi) de transplanter l’idée de leurs Sound Systems insulaires dans les faubourgs de New York, alors on peut assister à la floraison ininterrompue du genre.
Danseurs sur la tête et look de banlieue
Et comme, justement, le système jamaïcain est né par obligation, avec de petits sounds itinérants, nécessitant matériel, puis un DJ et un MC toaster, les premières Block Parties de NY refaisaient, à la belle saison, leur « harangue de rue », avec disques et Platines. Et ce fût le Hip-hop, « fresh » et juvénile, avec danseurs sur la tête et look de banlieue : 1977-1980.
On sortait du Funk, mais aussi du Disco et du Punk ! Ce mélange chaud, dansant et violent allait ajouter une couche de dureté et d’efficacité. Avec le Sample, exit les instruments chers et les cours de solfège. Le Collage allait régner.
À la tête du truc, NY
New York prit la tête du truc et des hordes de chanteurs, danseurs, breakeurs, allaient fondre sur ce système D, avec leurs codes locaux, persos, leur culture urbaine de quartiers, mais aussi une concurrence bientôt frénétique.
NY prend l’avantage au départ, à l’américaine, il faut produire sans cesse, beaucoup, et après les pionniers, ce fut des « concepts » ou style, comme Public Enemy, criard et politique, ou au contraire De La Soul, fantaisiste et souple.
L’épisode gangsta de la côte est, débouchant sur deux stars abattues (Biggie et Tupac), un point partout , affirme le boulet de violence propre aux bas quartiers où tout peut dégénérer avec ou sans raison.
Les Éditions Le Mot et Le Reste sortent 267 pages d’historique, avec 100 albums clés, dans la chronologie de cette histoire un peu folle, signé Pierre Jean Cléraux, qui nous détaille le truc. Il ne manque pas un nom et à eux seuls, ils sonnent comme une nouvelle langue : celle du Rap, phonétique, slang, Cut-up…
Fantasme, élément du rap
Après les Dillinger et Al Capone jamaïcains, voici les Furious, Wu-Tang, Mobb Deep, selon votre degré de référence aux truands, Kung Fu ou tout simplement mégalo du moment. Car le fantasme est un élément du Rap, comme dans les contes de fées, et tous les délires vont y passer : de la violence à la puissance, puis de l’argent à la mode Bling, sans distinction, sexe compris.
Voilà comment une génération hippy, habillée rétro, cheveux longs et cool attitude, va voir ses contradicteurs, vêtus de sportswear sur-taillé, cheveux rasés et un flingue en tête, prendre sa place au hit-parade, en 10 ans. L’inverse absolu !
C’est ce qui explique qu’une génération de jeunes blancs en rupture va se prendre d’intérêt pour des voyous blacks qui en rajoutent dans l’affreux : un amour tordu (comme leurs grands-parents dans les années trente avec les gangsters). Nique ta mère. Les rappeurs pillent le système à la Robin des bois ?
NY dur, LA entortillé
Plus fou, après la montée des années 80 et l’establishment Rap des 90, partagé en deux styles : N.Y.plus dur et cassant L.A. entortillé de Moog Gangsta, voici venir le Sud méprisé et bouseux (Atlanta ?), qui sera la déchirure de demain, si les grands frères lui laissent une chance.
Cette planète ghetto, qui a trouvé son rythme et quelques paroliers doués, des poètes inspirés et des producteurs éclairés, tous pris dans un corset R’n’B de base, a su intégrer des cas uniques (Eminem, Rakim…), quelques filles condamnées à l’auto-caricature (Foxy Brown, Lil Kim…) et des capitalistes grand teint (50 Cent, Jay-Z…)
À force de fusions, d’influences, de travail et de lissage, le Rap prend le chemin d’une Pop Black, starisée à l’extrême, exactement comme dans les années 60, quand la Soul se maria au Rock et au Jerk.
New York. State of Mind. Par Jean-Pierre Cléraux. Une anthologie du rap new yorkais. Éditions Le Mot et le Reste. 268 pages, 21 euros (avec historique et 100 albums, détaillés avec photos de pochettes en N et B).
Visuel : (c) DR