Au programme du Montreux Jazz Festival, cette année, le lancement d’une collection dédiée aux archives : “The Montreux Years”.
En 1933 à Tryon (au fin fond de la Caroline du Nord), naît Eunice Waymon, que vous connaissez sûrement sous le nom de Nina Simone. Dès son plus jeune âge elle présente une prédisposition au piano, sa mère et sa professeure (et “white Mama”) Miss Mazzy la destine alors à devenir la « première concertiste classique noire en Amérique ».
Mais elle échoue à l’examen d’entrée de l’Institut Curtis, la seule formation possible pour atteindre son but, selon elle à cause de sa couleur de peau. Un échec qui, paradoxalement, marquera le début de la légende.
Elle se reconvertit alors en pianiste et chanteuse dans un bar, à l’insu de ses parents, ce qui l’oblige à adopter un nom de scène : Nina, pour « petite fille » en espagnol et Simone, pour son idole Simone Signoret. Entre 1957 et 1958, devenue Nina Simone, elle enregistre I loves you, Porgy et son premier album Little Girl Blue où elle mélange les genres mais fait preuve d’une rigueur héritée de sa formation classique, qui la font découvrir du grand public et lui confèrent une notoriété.
Dans les années 60, Nina laisse son costume de “gentille petite fille, bien comme il faut” au placard et s’engage de façon virulente dans la lutte contre les inégalités raciales au côté de Malcolm X. Elle appelle, notamment, à une révolution noire “quitte à faire usage de la force”. Sa carrière prend évidemment dès lors un autre tournant. La discographie de Nina Simone devient alors une tribune politique, ses singles Mississippi Goddam et Jim Old Crow sortis en 1964 seront bannis dans certains États. Des boycottistes auront même la bonne idée de briser ses vinyles… ils auraient mieux fait de les vendre sur eBay (à trente ans près).
Cette artiste torturée par sa bipolarité et sa croisade contre le racisme, fuit une Amérique qui la rejette pour ses prises de positions politiques, et s’internationalise. C’est ainsi qu’en 1968, Claude Nobs l’invite à la deuxième édition du Montreux Jazz Festival sur les bords du lac Léman en Suisse. Elle en deviendra une habituée puisqu’elle y participera cinq fois en 1968, 1976, 1981, 1987 et 1990. Lieu de confiance et de liberté, elle peut y faire part de ses convictions venues d’un autre continent au public. Elle dédicace sa chanson Four Women en 1990 : “aux noirs d’Amérique, aux noirs de Suisse, aux noirs du Moyen-Orient, aux noirs d’Afrique”.
Pour notre plus grand bonheur, le Montreux Jazz Festival a, depuis la première édition, constitué une collection impressionnante d’archives. La collection The Montreux Years vient d’être créée afin de les mettre à l’honneur et la première artiste à être célébrée est donc Nina Simone.
Ont été remasterisés ses cinq concerts exceptionnels où l’on peut retrouver ses plus grands classiques tels que My Baby just cares for you et Ne me quitte pas, ou encore sa reprise de No woman no cry, et des enregistrements inédits issus de la collection personnelle de Claude Nobs. Cette réédition est disponible depuis le 25 juin en CD, vinyles ou digitale. Voilà de quoi voyager sur les bords du Lac Léman, sans quitter son transat. Merci le Montreux !Et pour lever le voile sur le mystère de la personnalité de Nina Simone, on vous propose : Nina Simone : une histoire en cinq actes, podcasts “Nova Stories”, à redécouvrir sur le site de Nova, les pieds dans l’eau (comme à Montreux ? C’est ça).