Le cinéma norvégien accouche d’un bébé surprenant. Mais pas autant que sa mère.
Allez savoir pourquoi, peut-être à cause d’une époque où les repères sont de moins en moins clairs, le cinéma nous fait une crise de conscience très marquée cet automne. La chose en est même particulièrement incarnée au point de donner lieu à des créatures animées qui se mettent à taper l’incruste dans l’esprit des personnages principaux pour les interroger sur leurs choix de vies. Rien qu’en ce début d’automne, on aura eu droit à une revisite (et bientôt deux, puisqu’après celle de Robert Zemeckis déjà sur Disney +, Guillermo Del Toro donnera la sienne sur Netflix) de Pinocchio et donc de son fameux Jiminy Cricket ou il y a quinze jours Tout le monde aime Jeanne, et son amusante petite voix intérieure qui asticote une trentenaire per-due dans sa dépression. Voilà que débarque aujourd’hui, dans Ninjababy, un bébé par encore né mais déjà très présent dans la tête d’une norvégienne pour lui demander des comptes.
C’est quoi le rapport avec les Ninjas ? Un lien avec les Tortues du même nom ?
Peut-être si on le voit le film d’Ingvild Sve Flikke comme le récit de quelqu’un qui doit rompre avec sa carapace. Ou simplement par le caractère très bastonneur de Rakel, jeune femme qui se découvre donc sérieusement enceinte qui a envie de mettre tout le monde face à ces contradictions. Car cette vingtenaire fait partie d’une génération de femme qui n’a plus peur de l’ouvrir, de revendiquer droit à la parole ou à la liberté. D’opinion ou de sexualité. Seule chose sur laquelle elle a donc fermé les yeux, un déni de grossesse- donc celui de devenir parent autrement dit coincée par les responsabilités- qui se rappelle donc à elle sous la forme d’un bambin dessiné qui n’a pas la langue dans sa poche amniotique. Il n’est pas anodin que celui-ci soit d’ailleurs un garçon et pas une fille quand ça permet à Ninjababy d’affirmer ne pas être un manifeste d’un néo-féminisme radical anti-mecs, mais plutôt (au vu de personnages masculins tout aussi désorientés que Rakel), une descendance nordique de de Girls ou de Fleabag. Comme ces séries, Ninjababy est décomplexé et hilarant, mais sur-tout touchant par la lucidité avec laquelle cette chronique aborde le bordel existentiel qu’est devenu la vie quotidienne d’aujourd’hui, mais plus encore la justesse avec laquelle ses personnages sont incarnés dans leurs contradictions. Il est du coup alors peut-être normal que ce bébé animé ne soit qu’imaginaire, quand Ninjababy raconte finalement bien plus comment une jeune femme est accouchée malgré elle de sa version adulte, entre regrets de l’insouciance et pleine conscience de qui elle est désormais.
En salles le 21 septembre