En Arabie saoudite, le cinéma progresse. Comme le pays ?
Jusqu’en 2018, il n’y avait plus de salles de cinéma en Arabie Saoudite, fermées depuis 35 ans par le gouvernement religieux y voyant une source de divertissement impur. Paradoxe, il existe pourtant un cinéma saoudien, de tournages dans le pays à la production certes des plus minoritaires et contrôlées, de longs métrages.
Norah est un exemple encore plus visible, pour avoir été le premier film issu de ce pays sélectionné au festival de Cannes. Un accessit valant passeport diplomatique pour le film de Tawfik Alzaidi d’autant plus nécessaire quand il s’attaque frontalement à un tabou religieux : la question de la représentation de l’art. Le tout dans un village reculé, en toutes logiques sous main mise du conservatisme, dans les années 90. Dernière transgression, le personnage déclencheur est un instituteur chargé d’apprendre à lire et écrire – autrement dit éduquer – des enfants dont la destinée était jusque-là toute tracée.
En face de lui, voici Norah, jeune femme, qui justement ne veut pas de la vie qu’on lui impose via un mariage forcé. Lorsqu’elle apprend que l’instituteur dessine à ses heures perdues, elle lui commande un portrait, objet prohibé et donc forcément sacrilège qui pourrait leur valoir les pires ennuis. Alzaidi se concentre sur cette intrigue dans un cadre quasi-désertique, donc idéal pour faire place à un discours progressiste, jusque dans la figure de cet instituteur à la masculinité déconstruite face à une caste féminine aux racines inféodées. Comme le rappelle la tante de Norah « tu nais ici, tu meurs ici« . De quoi nourrir un beau mélo pudique, la relation entre la jeune femme qui rêve d’ailleurs et ce professeur qui la conforte dans son envie d’émancipation, étant surtout pour Alzaidi, une manière de dire qu’une discussion est aujourd’hui ouverte, que les choses bougent, même de manière minime en Arabie Saoudite.
Le portrait au cœur de ce film aussi inattendu que délicat tient d’une esquisse de lendemains meilleurs. Allez savoir, il se pourrait même que Norah finisse par être montré dans quelques-unes des quarante salles de cinéma aujourd’hui ouvertes en Arabie saoudite…