Contre le projet d’aéroport, la rebellion s’organise et prend parfois des formes inattendues. Tour d’horizon de ces modes alternatifs d’engagement.
Les médias ne parlent que de cela (enfin, lorsqu’ils oublient un peu Fillon et Copé) : la mobilisation contre le projet de nouvel aéroport du Grand Ouest se poursuit.
Notre-Dame-des-Landes semble se transformer en nouveau Larzac : un vaste mouvement de désobéissance civile contre ce nouvel aéroport, jugé inutile au vu de la sous-exploitation de l’actuel aéroport de Nantes-Atlantique. Un projet lancé en 1967 qui ne semble plus du tout pertinent aujourd’hui : le bloggeur Pierre Deruelle revient sur toute l’histoire dans une synthèse très complète.
Bien plus qu’un« simple » aéroport, c’est une vision de la société qui est en jeu : les « Zadistes » et autres opposants dénoncent avant tout le monde « productiviste, désastreux sur le plan climatique, avide de terres agricoles, antidémocratique » qui va de paire avec le projet.
Le futur aéroport du Grand Ouest semble ainsi cristalliser toutes les tensions politiques du moment : le premier ministre et ancien maire de Nantes Jean-Marc Ayrault est directement impliqué (on parle même d’ « Ayraultport »), les écologistes alliés du gouvernement s’y opposent….
Pendant ce temps là, sur le terrain, la rébellion s’organise de multiples manières, bien au delà de la traditionnelle manifestation, forme habituelle de protestation.
Et notamment au sein de la Z.A.D., « Zone d’Aménagement Différé » ou « Zone à Défendre » et « Zone d’Autonomie Définitive » selon le point de vue. Un bout de campagne à quelques kilomètres de Nantes où se sont installés des locaux mais aussi des altermondialistes, écolos, anarchistes et décroissants de tous bords. Une zone d’autogestion mise en place depuis maintenant 3 ans pour protester contre la construction de l’aéroport. Un lieu où l’on expérimente un autre modèle de société.
Les squatteurs y ont bâti des lieux de vie alternatifs, des cabanes, des jardins potagers… Les petites bicoques fleurissent, rivalisent d’originalité et accueillent en tout une centaine de personnes. Depuis le 16 octobre, la préfecture tente de les déloger pour laisser place aux travaux : c’est l’Opération César, qui n’a pour l’instant pas complètement abouti. De nombreuses constructions ont été détruites le weekend dernier, mais plusieurs cabanes ont été épargnées. Et les Zadistes tentent déjà de réinvestir le site.
La révolte passe également par la création. On vous en parlait déjà il y a quelques semaines : les petites mains contestataires s’activent et créent à foison. Vidéos, affiches, badges, peintures, musiques, l’art de la ZAD est compilé sur la page facebook « Créations originales contre l’aéroport à Notre-Dame-Des-Landes ». On y trouve par exemple ce Notre Dub des Landes qui sample des paroles de militants, ou une Google Map de France saturée d’avions. La ZAD est ainsi devenue une véritable pépinière d’« artivisme ».
Autre initiative originale, cette fois-ci inspirée des Etats-Unis : la mise en place de copwatchers, ou littéralement des « observateurs de flics ». Armés de caméras, strictement non-violents, ils filment les policiers afin de prévenir – ou dénoncer le cas échéant – les dérapages et les violences. Un pas de travers et un CRS agressif peut retrouver son acte dévoilé sur Internet, à visage découvert bien entendu.
Les copwatchers, de nouveaux désobéissants que Télérama a rencontrés la semaine dernière et qui n’ont cependant pas pu, vendredi dernier, empêcher des heurts très vifs entre forces de l’ordre et manifestants.
Dernier exemple de résistance alternative, relayé par Owni dans un excellent article : une collaboration avec le collectif d’hacktivistes Telecomix, qui s’est fait connaître en 2009 avec des opérations de contournement de la censure en Syrie et en Egypte. Telecomix se définit comme « un cluster télécommuniste féministe socioypernétique de gens et de bots (…) s’efforçant de défendre le flux libre des données ». Supprimez les adjectifs compliquez et vous comprendrez l’idée : des hackers activistes engagés en faveur de la liberté d’expression, défendant la liberté à coups de clavier et de données, un peu anarchistes sur les bords, en tout cas beaucoup plus lol et love que leurs cousins Anonymous. De « gentils » hackers, en somme.
A priori saugrenue, l’association entre militants et hackers fait pourtant sens car les deux mouvements présentent des points communs : ils font partie de la même génération, partagent un goût immodéré pour le Do It Yourself, fonctionnent en autogestion et sont tous ouverts vers l’international.
Il n’en fallait pas plus pour que quelques membres de Telecomix proposent leur soutien au Zadistes et que la convergence entre altermondialistes et hackers s’organise. En pratique, les membres de Telecomix ont mis leurs serveurs à disposition des militants, les forment à la cryptographie, leur ont installé le WiFi en rase campagne et les aident à créer le buzz sur la toile pour mobiliser encore plus de monde. Leur soutien se manifeste également IRL, puisqu’ils participent à des collectes de vêtements et de nourriture pour les occupants.
A Notre-Dame-des-Landes, la résistance s’organise donc de manière multiple et participative, sur tous les terrains, on- comme offline. Occupation, création, copwatch, hack : quatres exemples parmi tant d’autres qui témoignent de la variété des modes d’engagements, ainsi que du caractère innovateur de cet élan citoyen.