« Nuthin’ but a ‘G’ Thang » : le morceau qui changea la face du rap américain
Radio Nova revisite ses propres classiques : les raretés de tous bords qui rythment notre antenne, de la soul-funk au hip-hop en passant par les musiques afro-latines et la pop. Aujourd’hui : « Nuthin’ but a ‘G’ Thang » de Dr. Dre ft. Snoop Dogg
Notre Nova Classic s’envole direction Los Angeles, à Long Beach plus précisément, au Sud de Compton. Nous sommes le 19 novembre 1992, au volant d’une Chevrolet Impala 64 lowrider, et dans le poste, ce n’est non pas un classique, mais l’un des morceaux qui va tout simplement changer la face du rap américain, qui va façonner le son de la West Coast. Il s’agit de « Nuthin’ but a ‘G’ Thang » d’André Young plus connu sous le nom de Dr. Dre.
Après NWA, Dr. Dre part en solo (ou presque)
Remontons le temps d’une petite année, en 1991, en pleine guerre du gouvernement américain contre le gangsta rap. Le deuxième et dernier album de NWA, Niggaz4Life sort et se hisse directement numéro 1 des charts. Pourtant, c’est à ce même moment que pour des inévitables histoires de business, le groupe se disloque totalement.
Dr. Dre, pilier, producteur, façonneur du son de l’un des groupes les plus virulents de l’histoire, se brouille avec Eazy E et décide de quitter le groupe. Jamais la tournée de ce deuxième album ne verra le jour. Dr. Dre décide alors de repartir à zéro et de tenter l’aventure en solo. Mais pas tout à fait en solo…
Lors d’une fête du côté de Compton, son beau-frère, un certain Warren G, lui mets une cassette sur laquelle un certain Calvin Broadus rappe. Son album se fera alors avec lui, Snoop Doggy Dogg. Dr Dre emménage dans une maison sur les hauteurs bourgeoises de Los Angeles, à Calabasas, loin de la ville qui au même moment, brûle en réaction de l’acquittement des quatre officiers de police blancs ayant passé à tabac Rodney King.
Dehors, la rue s’embrase. Dedans, le G-Funk naît
C’est donc enfermé dans cette villa qui respire 24/24 la Chronic, que Dr. Dre façonne le nouveau son de la West Coast, le G-Funk, ou comment rapper des histoires de gangsters sur des samples de funk 70’s. À ses cités, un étage plus bas, The D.O.C. apprend à Snoop à rapper et fait naître le flow si unique de Snoop, pendant que ce dernier, au côté de Warren G, peaufine les textes. Huit mois plus tard, The Chronic, en hommage à cette skunk ultra forte de Los Angeles, est prêt.
Dr. Dre s’associe à Suge Knight, fonde le label Death Row et rencontre le producteur star de l’époque Jimmy Iovine qui, convaincu de la puissance de l’album, le signe sur Interscope. Et c’est donc le 19 novembre que Dr Dre sort le single « Nuthin’ but a ‘G’ Thang » qui va le placer sur orbite. De peur qu’aucune radio ne diffuse le morceau dû à la réputation de Dre, Jimmy Iovine achète en masse des écrans publicitaires diffusant le hook, le refrain du morceau. Imparable.
Le morceau quant à lui est unique, inédit. Le sample de Leon Haywood, perle mielleuse méconnu des 70’s, associé à la mélodie aiguë du moog crée en une mesure, le nouveau son de la West Coast : la G-funk. Dr. Dre chérit ce synthétiseur analogique. D’immenses pianistes l’ont utilisé avant lui, comme Herbie Hancock, Chick Corea ou George Duke, mais aussi beaucoup de groupes de rock psyché ou prog tels que Pink Floyd, Manfred Mann, Frank Zappa ou Yes. C’est simple, lancinant pour ne pas dire laid back et surtout, cela colle parfaitement au flow sur mesure de Doggy Dogg. Car c’est là aussi que le génie de producteur de Dre fonctionne. Le morceau est ouvert par Snoop, alors méconnu avec l’un des couplets les plus mythiques de l’histoire du rap. La suite du morceau étant un ping-pong entre le futur prodige et le déjà-maitre de L.A.
Le succès est monumental. Le duo se retrouvera en une de Rolling Stones et la suite on la connaît : « Nuthin’ but a ‘G’ Thang » deviendra le titre référence du gangsta rap.
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