À l’occasion de leur passage à La Maroquinerie, rencontre avec un groupe qui place l’amour au-dessus de (presque) tout.
Nusky & Vaati c’est la rencontre du 3ᵉ type entre un ex-comédien fan de Young Thug (Nusky), et un multi-instrumentiste autodidacte façonné aux albums médiévaux de Led Zeppelin (Vaati).
En 2015, l’album Swuh voit le jour, un ovni rap, une apnée langoureuse sous des nappes phréatiques de synthés, caresse les oreilles des curieux et suscite très vite l’intérêt des médias.
Deux ans plus tard, le duo remet le couvercle avec l’album Bluh et demande la pop en mariage. L’amour se consomme sans se consumer, et enfante un son “nuskyvaatien”, un son inclassable, nonchalant, cru, sexy, nostalgique. Ils nous susurrent des conseils de vie cocasses, sans jamais lésiner sur le groove. À tel point que Philippe Katerine les remarque, et qualifie l’album de “chef-d’œuvre des années 2000” !
L’aventure, sorti le 9 juin dernier, nous offre un album-concept de quatorze titres, disque truffé de pièces instrumentales cosmiques, de chansons fleuves où il est bon de dériver, mais aussi de petites bombes à eau produisant toujours le même effet : rafraîchissantes !
Leur Magical Mystery Tour prend parfois des airs de Michael Jackson ou d’un Beach Boys bien senti à la sauce Montreuil (ils y habitent), où l’on y apprend l’amour sur bitume, les tirettes qui ne fonctionnent plus et la question de Dieu. Entre Ichon… et Nietzsche ? C’est un peu ça (mais pas exactement non plus…).
Enfin, les compositions habiles de Vaati nous abreuve méthodiquement de solos de guitares, de beat-switchs émouvants perfusés aux violons, avant que ce ne soient au tour des accords bourrés de reverb, de nous prendre gentiment par la main, vers un monde qui ne nous paraît plus si lointain. Celui du rêve ?
L’aventure sera résolument folk, amoureuse, fatale et citadine.
ENTRETIEN
Bonjour Nusky & Vaati. Comment vous sentez-vous à moins d’une heure de votre concert délivrant “L’aventure” en live à la Maroquinerie ?
Nusky : Bien, mal, et la sensation qui est entre les deux !
Vaati : J’ai envie de vomir (rires) ! Non ça va très bien, j’ai grand hâte !
Vous êtes en formation guitare, piano, batterie, voix, avec Willem Turnup, Yaåster et Théo Bachett. Quelle est l’histoire de cette formation ?
Vaati : L’histoire, c’est un dégoût des ordinateurs, avec lesquels nous avons beaucoup tourné à une époque – comme beaucoup de gens le font – et avec lesquels des bugs et des problèmes arrivent. On voulait compter sur cinq humains – nous deux et trois autres personnes. On a pioché dans notre carnet d’adresses… et voilà comment s’est formé le band !
Quand j’écoute vos chansons et particulièrement sur cet album, je trouve qu’il y a quelque chose du rêve, des nuages, de l’aérien, autant dans les productions que dans les textes. Quel est le secret de tant de douceur ?
Nusky : Il y a la drogue déjà ! (rires) L’amour, le rejet, la peur de l’abandon, tout ça mélangé avec l’insécurité de la société capitaliste, on en devient tout doux comme des petits agneaux.
Vaati : Rajoutez à ça dix pintes !
Dans le titre “le musée des horreurs” j’entends du Michael Jackson, un peu de Bowie dans le “Space Opéra”… quelles ont été vos influences sur ce projet ?
Vaati : Elles sont multiples et variées. Quand on fait de la musique, on essaye de ne pas trop en écouter… ou alors de la musique qui n’a rien à voir. Notre disque est la somme de tout ce que l’on a toujours écouté tout le temps : dans cet album, il peut y avoir de la folk, du rock, de la pop. C’est un grand mélange de tout ce que l’on écoutait déjà depuis tout petit et notamment les points sur lesquels on se rejoint avec Nusky.
Nusky : Ça m’embête de citer des noms, car ça enferme le projet dans une classification par rapport à ces noms-là. Donc je préfère ne pas dire de noms, mais plutôt expliquer que le projet c’est fait par rapport à des styles musicaux qui nous plaisaient. Comme disait Vaati, le rejet des ordinateurs, travailler les morceaux en profondeur avec une guitare et un piano, avancer comme ça. On s’est retrouvé à faire des trucs très folk, très rock, très pop, sans grand besoin de rap pour sublimer le truc. Ça a pris une direction artistique presque acoustique.
Il n’y a pas un artiste ou un projet qui a pu vous faire dire : “c’est dans cette direction qu’il faut aller” ?
Vaati : Jamais ! Car si on fait ça avec un artiste, après ça part en copie, c’est trop dangereux. Il n’y a aucun album où on peut te dire un artiste en particulier, peut-être même plus avant mais celui-là je ne pourrais rien te citer ! Je pense à des trucs folk/rock mais on en écoute tellement que t’en dire qu’un ce serait…
Nusky : …rattacher au mauvais bateau, l’idée, au-delà de te citer un artiste, c’était de faire un album classique, un truc super complet avec une histoire. Un album comme Pet Sounds (Beach Boys) ou comme certains albums des Beatles qui sont réussis de A à Z. On a cherché à se rapprocher d’un format d’album plus que d’un artiste.
C’est votre Magical Mystery Tour (Beatles) ?
Nusky : Carrément, ça peut être notre Revolver (Beatles), notre Thriller (Michael Jackson), notre Pet Sounds !
Michael Jackson, je n’y étais pas trop ?
Nusky : Moins évident que ce que tu pensais, mais c’est pour ça qu’on le fait, on n’est pas vraiment garants de ce que tu vas imaginer quand on met des accords ou des paroles. Après ça ne nous appartient plus, on le jette dans la fosse aux lions, les lions dévorent ce qu’il y a à manger et après, ils disent “oh ça me rappelle ci, ça me rappelle ça” et tant mieux !
Vous écoutez quoi en ce moment ?
Nusky : J’écoute Sleepy Hallow, le frérot de New-York, je suis en boucle depuis ce matin sur son morceau “Marie” !
Vaati : Moi, j’écoute l’album Positions d’Ariana Grande, j’en mange matin, midi et soir. C’est un sans-faute, c’est bien produit. Elle s’est réinventée et en même temps, elle fait appel à ses premières influences, des orchestrations très Disney tout en parlant de cul ! Le contraste est incroyable.
Nusky : On t’a donné la drill New-Yorkaise, le mec est en prison, accusé de meurtres avec la queen de la pop Disney-shit !
Contrairement au projet précédent, truffé de featurings (Katerine, The Pirouettes, David Numwami…), sur L’aventure ce n’est que vous deux. Vous avez pris des conseils à droite à gauche, vous vous êtes quand même un peu entouré ou vous étiez complètement dans votre bulle ?
Vaati : On a une équipe assez réduite pour le travail, mais musicalement ce n’est que nous deux. On a toujours voulu faire des feats, ce que l’on a fait dans Nusky Vaati & Friends (sorti en 2022). Lorsqu’on a décidé de faire un nouvel album, c’était évident que l’on ne serait que nous deux.
Nusky : Il y a tellement de chemins que l’on peut explorer à deux, on a vraiment pleins d’univers différents, on a trouvé un équilibre qui ne demande pas spécialement d’autres gens.
Vaati : Je tiens à préciser quand même qu’il y a des violons sur trois morceaux de l’album qui ont été réalisés par Clément Liebe. Il y a d’autres auteurs sur certains morceaux, mais la grande démarche, elle vient vraiment de nous deux, dans la chambre à délirer !
J’ai lu que l’on avait comparé le projet à Disiz et Vald. Même au sein de mon entourage, on continue de vous amalgamer comme des rappeurs, alors que votre musique n’a clairement plus grand-chose à voir avec du rap. Comment vivez-vous le fait que les gens ont du mal à passer à autre chose ? Comment aimeriez-vous être défini ?
Vaati : Alors déjà, on le vit très bien ! Attention, on a fait un album un peu folk-rock, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y aura plus d’ADN rap dans les projets de Nusky & Vaati. Il peut y avoir de l’électro, de la house. Il ne faut pas confondre un album et une trajectoire globale. Je peux comprendre que l’on puisse changer d’adjectifs maintenant, cependant Nusky c’est un rappeur de ouf, c’est un chanteur de ouf aussi, on construit souvent les albums en opposition aux précédents, donc il est carrément possible que l’on fasse plus de rap à l’avenir.
Nusky : En tout cas, ça ne nous dérange pas les amis, appelez-nous comme vous voulez ! Parlez de nous comme vous voulez ! Écoutez-nous comme vous voulez ! Nous, tout ce que l’on fait, c’est pour la musique, l’histoire et l’amour !
Donc, vous ne cherchez pas d’appellation particulière ?
Nusky : Ce serait vain, car les gens se font leur avis, les gens parlent et s’imaginent des trucs. Nous, on se voit d’une certaine manière, mais c’est notre cerveau qui rêve et l’on se donne un objectif. Musicalement, je sais de quoi je suis capable. Pourtant, la façon dont les gens me regardent, comment les gens me perçoivent, je n’en suis absolument pas garant ! Ce n’est pas moi qui décide si à la fin, je suis beau ou pas, si tu kiffes et si tu trouves que je suis un rappeur, un chanteur, un poète…
Un unijambiste ?
Nusky : Ouais, parfois, j’ai une jambe (rires) mais ce soir, j’en ai deux, tant que vous êtes là les amis, nous, on continuera !