Où comment les Turcs se sont emparés de Twitter pour propulser leur révolte
Les hashtags #occupygezi et #direngeziparkı faisaient partie des dix sujets les plus discutés dans le monde, ce samedi, sur Twitter. Ces tweets nous viennent pour la plupart de Turquie, où ont éclaté des manifestations le 27 mai.
La raison ? A Istanbul, le célèbre parc Gezi va être mis à sac par des bulldozers pour y mettre un centre commercial. Des centaines de manifestants se sont alors réunis pour protester contre le déracinement de 600 arbres et la disparition de cet espace vert créé en 1943.
« Ne touchez pas à notre voisinage, à nos squares, nos arbres, notre eau, notre sol, nos maisons, nos villages, nos villes et nos parcs », s’indignait ainsi @StatikEstetiK, une twitto d’Istanbul.
Du bitume new-yorkais aux parcs stambouliotes, le mouvement Occupy a donc pris de l’ampleur. Rapidement propagée sur les réseaux sociaux, la révolte turque s’est étendue IRL de la place Taksim d’Istanbul à d’autres villes turques. Sur Twitter, les photos et vidéos d’altercations entre policiers et opposants pleuvaient.
Place Taksim, “nouvelle place Tahrir » ? En tous cas cette bataille pour le maintien d’un des espaces verts les plus fréquentés cherche, par extension, à défendre un projet de société autre que celui du gouvernement islamo-conservateur de Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 11 ans.
Réprimée par les autorités
Qui dit bruit de révolte, dit tentative de censure. Avec 275 tweets/heure dans un rayon de 1 km autour de la place Taksim, vendredi soir, les autorités ont pris soin de bloquer Twitter et Facebook sur cette même zone.
“Je ne peux plus tweeter de photos avec mon téléphone et notre connexion à Internet est morte. Si le réseau est coupé, ça va vraiment être un Tahrir turc” rapportait @IvanCNN.
Le Tumblr OccupyGezi a été créé pour résumer la manif et les répressions alarmantes, à coups de gaz lacrymo et blessés graves.
Les Turcs s’adressent aux Turcs
Une bataille d’informations : Twitter vs médias dominants
“Il n’y a aucune chaîne turque qui parle de cette manif, des blessés, des gaz lacrimo, comme si ça n’existait pas !“ a confié Bal Onaran, professeur d’histoire de l’art et de littérature à Paris d’origine turque, aux Inrocks. Les médias turcs sont-ils totalement muselés ?
Alors que CNN International transmettait en direct les images des affrontements à Istanbul, CNN Turquie, elle, diffusait au même moment une émission culinaire. Hum hum…
Sur Slate, le politologue franco-turc illustre ainsi la mainmise du pouvoir sur les médias : « Twitter et les réseaux sociaux montrent l’attitude timide et soumise de la presse turque « . Beaucoup de journalistes turcs sont ainsi paradoxalement très engagés sur Twitter, et filtrent tout lors de leurs JT.
Quant à la position du Premier ministre turc sur les réseaux sociaux, il a déclaré : « La menace aujourd’hui s’appelle Twitter. C’est là que se répandent les plus gros mensonges. Les réseaux sociaux sont la pire menace pour la société « . Sur Twitter, l’homme politique a beau avoir un certain succès (2 700 000 abonnés), lui-même ne mais suit aucun abonné. Tout est dit.
Anonymous s’en mêle
Des membres d’Anonymous proposent différentes formes d’aide aux manifestants turcs. « Pour nos amis d’Istanbul, voici un guide pour se protéger des gaz lacrymogènes« , publie ainsi le hacker québécois @AnonQC, tandis que @BondInNewYork leur assure « qu’ils vont bénéficier d’un soutien électronique d’Anonymous pour continuer à communiquer durant les manifestations ».
Le collectif a même posté sur Youtube un hymne pour le soulèvement turc, Dusty Springfield sauce “Occupy Gezi” et sous-titré en arabe. There’s a man with mask over there, spreading gaz on Taksim square… Spring-field, un chant de printemps ;)
Soutenu partout dans le monde, #OccupyGezi reçoit des photos depuis Paris, Londres, New-York ou Berlin.
NB/ Pour réécouter notre #nuitsujet « Dégage » sur les soulèvements démocratiques et les outils du numérique c’est ici