Haut-parleur fantasque du binôme Musique Post-Bourgeoise, cet artiste de Saint-Ouen nous embaume d’un linceul d’encouragements pour disparaître en toute liberté, tandis que les obsèques demeurent toujours limitées à vingt personnes.
C’est une croix d’apparence très lourde, dans les trois mètres de haut, posée à la diable devant les grilles du cimetière du Père-Lachaise. Surprise : elle est souple et courbée, comme si on la tirait par les cheveux. Sur son socle, il est inscrit en lettres noires : « La mort c’était mieux avant. » Le 24 mai dernier, le plasticien parisien Olivier Urman, qui venait tout juste d’installer cette création avec ses complices, y ajouta une brève notice. « Empêcher les gens d’aller aux obsèques (…) c’est Covid de sens. La vie est un risque à prendre. Mourir n’est pas une honte ou une corvée d’ébouage. Mourir est un accomplissement, un devoir et un exemple. C’est faire don de sa personne, de son âme, aux vivants et à la nature. Cela mérite certainement d’être accompagné(e) avec les honneurs par les siens lors de ce changement d’état. Il n’y a pas de précautions raisonnables qui tiennent. Mourir n’a jamais tué personne. »
Tandis que les obsèques demeurent limitées à vingt personnes malgré la maîtrise nationale de la propagation du coronavirus, la moitié fantasque du binôme Musique Post-Bourgeoise, qui suggérait déjà dans sa chanson Le Patient (2014) de « mourir en réfléchissant, sagement, à demi enterré dans le sommier », propose d’aller plus loin : « Disparaissons en mer, en mission, dans l’air, en forêt ou dans le métro. Sans bruit, sans odeur et sans messe, sans fleurs et sans poussière », dit-il de sa voix froide comme le fer, comme encouragé par l’ironie de l’écrivain français Joris-Karl Huysmans à décrire la « quincaillerie » et « le misérable apparat » des « crevés opulents » dans son roman En route (1895). Nous partirons comme nous l’entendrons.
« Nous interdire de se rassembler lors de funérailles, j’y vois un non-sens, une impossibilité philosophique, comme si nous n’étions plus libres de notre mort. Si les gens ont envie de mourir en se refilant le virus tous ensemble ? On est tout le temps en train de parer la mort, d’éviter des accidents, confiera plus tard Olivier Urman. Quand tu vois la gueule du Père-Lachaise, les protocoles, les costumes, les convois… et qu’on t’impose aujourd’hui de mourir seul, je trouve en effet qu’il valait mieux mourir avant. Chez moi, j’ai caché des revolvers. Je préfère ne pas me soigner plutôt que de crever à l’hôpital. »
Pour découvrir Musique Post-Bourgeoise, « brio électronique de salon et seule véritable musique folklorique parisienne », c’est ici.
Visuel © Les Contes de la crypte, d’après la bande dessinée de William M. Gaines (1989-1996).