Addio, Tattoo Records. Après 41 ans de bons et loyaux services en tant que précieux sanctuaire musical, Enzo Pone met la clé sous la porte. Les pizzas et le surtourisme ont eu raison de ce disquaire historique.
Au début des années 1980, Enzo Pone, originaire du quartier ouvrier de Bagnoli à Naples, passe de longues vacances aux États-Unis. Enzo Pone visite New York et Chicago, il s’imprègne complètement de la culture musicale et militante américaine. Il faut dire qu’il y rejoint son amoureuse, Terry Davis, qui n’est autre que la cousine d’une certaine Angela Davis, plus que fameuse militante du mouvement des droits civiques. De retour en Italie, il quitte son travail de cheminot à Milan et rentre à Naples. Le 11 mars 1983, avec l’aide de son père et de quelques potes, il ouvre ce qui deviendra l’un des disquaires les plus emblématiques de sa ville natale : Tattoo Records, sur la petite place Nilo.
À l’intérieur de Tattoo Records, Naples
Un lieu de souvenirs pour plusieurs générations
Un blogueur du nom de Marco Mennillo se rappelle : “Tattoo Records était situé exactement sur le trajet vers ma première et désastreuse carrière universitaire et souvent responsable de mes retards en cours. (…) Il apportait de la couleur et une bande sonore rock and roll à la place.”
C’est l’une des premières boutiques à importer des disques de l’étranger à Naples. Au fil des années (et après avoir résisté à la première crise du vinyle dans les années 90), le disquaire accueille des générations sur générations d’amateurs de musique. Chacun vient chercher les conseils et recommandations musicales d’Enzo, à la culture illimitée, fan de jazz. C’est une époque où les algorithmes des plateformes de streaming n’existaient pas encore.
Fermeture définitive, la surconsommation lisse a eu raison de Tattoo Records
Avec le réseau des commerçant‧es et lieux culturels de la ville, Enzo Pone commence à organiser des concerts dans des théâtres et clubs locaux, et même dans toute la Campanie. Il fait venir Paul Motian, Charley Haden, Geri Allen, Cassandra Wilson ou encore Andy J. Forest…
Après plus de 41 ans d’existence, Tattoo Records annonce sa fermeture définitive. Une conclusion amère pour Enzo Pone : “La petite place Nilo est devenue un lieu difficile à vivre professionnellement pour ceux qui vendent autre chose qu’une pizza ou un cuoppo puant de poisson mal décongelé.” La grosse pizzeria dont la terrasse déborde sur ses étals extérieurs de disques est plutôt du genre à passer de la musique commerciale à plein volume et attirer le maximum de touristes. Pone tranche : “On gagne moins d’argent avec le jazz qu’avec la pizza.”
Le moment est donc venu de dire Addio à Tattoo Records. En l’honneur de cette boutique historique de Naples, Nova vous conseille une de ses compilations favorites, aux embruns napolitains et vintage : « Napoli Segreta Vol. 1« . Concoctée par les DJ campaniens de la Famiglia Discocristiana et du duo Nu Genea, et sorti sur Early Sounds Recordings, l’album réunit dix titres publiés à l’orée des années 80, petits bijoux qui ont failli être oubliés, variété funk et disco à l’italienne. Mieux vaut danser que pleurer !