“Entre le hijab, le burkini et le sport, il faut choisir”. Voilà ce qu’une sénatrice a affirmé après le vote de la loi contre le voile dans le sport. Le gouvernement hoche la tête, et c’est tout à fait le moment d’écouter les concernées. Depuis 2020, les Hijabeuses s’organisent sur le terrain et en dehors, avec le sport, l’art et la politique.
Le Sénat a voté l’interdiction de tous les signes religieux, et spécifiquement du voile, en compétition sportive, y compris au niveau amateur. C’est net : 210 voix pour et 81 voix contre. Une victoire conservatrice, obtenue grâce à une alliance formée par la droite et le centre. La mesure doit être validée à l’Assemblée nationale, ce qui a des grandes chances de se faire, puisque le gouvernement soutiendrait cette loi “avec force”. Un choix de mots adapté pour une mesure aussi violente. Mais face à la discrimination, un certain collectif n’a pas dit son dernier mot…
Une offensive discriminatoire contre les femmes voilées
Pour l’Organisation des Nations Unies, cette nouvelle mesure d’interdiction est “discriminatoire et doit être annulée« , en nous rappelant, au passage, que la France est le seul pays d’Europe à imposer de telles restrictions. À noter que le Conseil d’État a déjà validé depuis juin la décision prise par la Fédération française de football d’interdire tout signe religieux. Si adoptée, la mesure risque d’avoir des effets dévastateurs et très concrets. Kawtar Merzaq, la 8ᵉ meilleure performeuse française de toute l’histoire dans sa discipline en athlétisme, pourrait ne pas rejoindre ses coéquipières en Équipe de France dans quelques semaines. De fait, beaucoup d’équipes seraient obligées de se passer de leurs joueuses. Et à l’ONU d’affirmer : « Dans un contexte d’intolérance et de fortes stigmatisations envers les femmes et filles choisissant de porter le hijab, la France doit prendre toutes les mesures à sa disposition pour les protéger« .
Les Hijabeuses à la défense des droits des sportives musulmanes
Face à cette actualité pas très réjouissante, il est parfaitement opportun de parler des Hijabeuses, à savoir, les meufs directement concernées. Co-fondé en 2020 par Founé Diawara et Anna Agueb-Porterie, les Hijabeuses forment un collectif au sein de l’association Alliance Citoyenne. Les deux femmes se sont rencontrées en participant à une étude sur les sportives voilées, qui a montré leur exclusion systématique des compétitions. Créé au départ pour défendre le droit des sportives musulmanes à jouer au football en compétition officielle avec leur couvre-chef, les Hijabeuses a depuis étendu son combat à l’ensemble des sports.
« L’ascension du Kilimandjaro, c’est l’allégorie de l’engagement des Hijabeuses »
Avec le temps, ce collectif engagé est devenu un outil de transmission pour raconter des histoires et des portraits qu’on ne voit nulle pas ailleurs. Récemment, les Hijabeuses s’est lancé dans la folle ascension du Kilimandjaro. Le collectif raconte le projet (baptisé le “Pole Pole Run”) sur leur compte Instagram : “L’ascension du Kilimandjaro, c’est l’allégorie de l’engagement des Hijabeuses. On part avec l’idée un peu naïve qu’en allant discuter avec la FFF, le règlement va changer assez rapidement. Mais on fait face aux réalités, aux difficultés qu’on a eues, comme lors de la grimpe. […] Sur la montagne, c’est une question de vie ou de mort, plus on monte, plus on prend des risques. Et ça, c’est ce qu’on ressent au quotidien dans le combat qu’on mène.” Les Hijabeuses a, pour l’occasion, décidé de n’employer que des femmes guides, qui représentent seulement 1% des guides du Kilimandjaro. Une décision qui est loin d’être anodine : “On a voulu les mettre en avant et montrer que par-delà les frontières, il y a d’autres enjeux qui existent pour les droits des femmes. » Tout le voyage a été capturé à l’argentique et à la caméra, avant de devenir une exposition, puis un film, en octobre dernier.
« À la fin de la journée, on n’est que des sportives »
Outre les luttes sociales, les Hijabeuses concentre aussi leur détermination dans leur plus grande passion : le sport. En juin 2024, alors qu’Amélie Oudéa-Castéra venait d’interdire le port du voile sportif aux Jeux Olympiques de Paris, le collectif a lancé ses propres Jeux des Hijabeuses, dans le 93. Les Hijabeuses multiplie également ses activités avec son Stamina Run Club, un club qui se décrit comme “une communauté de femmes solidaires, unies par la passion de la course et la volonté de briser les barrières.” Sans oublier le club de foot des Hijabeuses, le pilier à l’origine du collectif. Laissons aux Hijabeuses le dernier mot tiré de son compte Instagram : « On balance entre ce côté très militant qui nous mène au Conseil d’État, mais à côté, on mène des actions et surtout, on recentre le sujet sur le sport. À la fin de la journée, on n’est que des sportives. »