Il fait moite dans le Gift Shop du Grand Mix
Dans le Gift Shop du jour, ça parle Bayou, moiteur, consanguinité, érotisme, meurtre d’un Shérif raciste, amours dévoyés, journalisme d’investigation, éthiques mises à mal…Vous voyez où je veux en venir?
Bon d’accord, et si je dis Nicole Kidman et Zac Efron? Voilà, Paperboy, le film de Lee Daniels qui sortira en dvd le 18 février 2013. (Alex Masson vous en parle ici)
Paperboy, comme beaucoup d’autres choses, au départ c’est un livre. Un livre de Pete Dexter écrit en 1995 et disponible en poche aux éditions Points dans la collection Roman Noir.
Un titre de collection approprié, lorsqu’on se plonge dans les 372 pages comme dans un lac stagnant et tiède un jour de canicule.
Un roman noir, comme peuvent l’être certains films classiques sans pourtant afficher ni imper, ni chapeau mou. Charlotte, à la séduction évidente et irresistible, le petit bled américain, l’amoureux condamné que les journalistes venus de Miami tentent d’aider, tout cela rappelle « Autopsie d’un meurtre » de Preminger où James Stewart se faisait gentiment avoir en avocat débonnaire.
La comparaison s’arrête là, la version de Dexter, si elle se passe dans les années 70, n’en est pas moins contemporaine et salie. Charlotte n’est pas une jeune fille en fleur et sa maturité white-trash dissimulée sous un érotisme de principe appelle le pathétique et renvoie à la bestialité primaire des hommes qui l’entourent. Son « promis » emprisonné, Hillary Van Wetter, hillbillie violent et malsain, animé par une perversité ludique n’inspire pas la moindre empathie. De l’autre côté des barreaux, le journaliste autocentré, prétentieux et méprisant Yardley Acheman ne vaut pas mieux.
Quant au second journaliste, son éthique obsessionnelle n’est que mince alibi à une attitude quasi autiste. Seul reste le frère de ce dernier, à peine âgé de 20 ans, et embarqué dans cette histoire avec une passivité de témoin.
L’écriture de Dexter est de celle qui sait se faire oublier pour privilégier l’atmosphère. Dangereuse comme une tarentule se promenant lentement sur le dos d’une main, menaçant de sa piqure le moindre mouvement brusque, la prose de Paperboy, est un alligator planqué dans les fourrés. Une écriture qui, au même instant, communique une moiteur languissante, et une urgence de lecture. Dans ce paradoxe, elle se fait sable mouvant, enlise le lecteur dans le swamp de son intrigue et des psychologies troubles de ses personnages.
Tout en Glamour de viscose, dur, sensuel, violent, le roman écorche une Amérique déjà bien abimée en s’attaquant notamment à sa fierté, à un journalisme d’investigation dont, depuis Upton Sinclair, elle se gausse. Pete Dexter en pointant d’une plume cruelle la flétrissure de cet idéal, force l’Amérique à regarder dans le miroir les profonds sillons qui la creuse sous une couche pourtant épaisse de fond de teint.
Edifiant et excitant, prévoyez une soirée, ça se lâche difficilement…
Paperboy, Pete Dexter, 373 pages, Editions Points, 7,50€