78 tours, partitions, documentaires… un fonds d’archives exceptionnel autour d’un pan de la culture lyonnaise méconnu entre dans la collection de la Bibliothèque municipale de Lyon.
La bibliothèque municipale de la Part Dieu à Lyon a reçu une importante collection d’archives, comprenant des vinyles, des cassettes, des partitions et d’autres documents liés à l’histoire d’une chorale lyonnaise de negro spirituals, le Park Glee Club. Cette collection permet de découvrir un pan méconnu de l’histoire culturelle de la ville des gones.
Negro Spirituals en AURA
Chantés par les esclaves noirs lorsqu’ils étaient forcés de travailler dans les plantations, et dans les champs américains, les negro spirituals (ou simplement spirituals) offraient une source de réconfort et d’espoir pour ces peuples déplacés, exprimant leur désir de liberté et leur foi chrétienne. Ces spirituals ont également alimenté des genres musique nés par la suite dans les communautés afro-américaine, comme le blues, souvent expression de la douleur de l’homme noir, et le gospel, lui vecteur de louanges et de ferveur chrétienne. Mais que fait une chorale dédiée à ce témoin de l’histoire afro-américaine en Auvergne Rhône Alpes ?
C’est au hasard d’un cours tiré d’un manuel que Louis Thomas Achille, professeur d’anglais au Lycée du Parc, et passionné de culture américaine et de musique qu’un cœur dédié au negro spirituals prend forme, en 1948. Les paroles du chant « Nobody Knows » sont au programme, et plutôt que de se lancer dans une explication de texte, ou une traduction, il propose à ses élèves d’interpréter ce titre du Pastor TL Barret et de son Youth for Christ Choir. C’est ainsi que nait le Park Glee Club.
Park Glee Club
Cette chorale lyonnaise a rapidement connu un succès local, notamment grâce à sa bonne résonance sur l’antenne du service public Radio Lyon. Au fil des ans, cet ensemble rayonne et performe devant des figures de la culture américaine (Martin Luther King lors de son passage à Lyon en 1966), et du monde chrétien (le pape Jean-Paul II en 1986 à Gerland), comme le rapporte Le Monde. Le Park Glee Club sera aussi invité à Nantes (ancienne ville négrière) en 1994, pour un concert au cœur de l’exposition « Les Anneaux de la mémoire », sur la traite des noirs. Un honneur pour Louis Thomas Achille, descendant d’esclaves, qui précisera à cette occasion dans les lignes d’Ouest France que « ces cantiques protestants des Noirs des États-Unis atteignent le plus souvent à une vérité universelle, qui dépasse tous les particularismes religieux ou autre ».
Avant de prendre un poste de professeur dans un lycée prestigieux du 6e arrondissement de Lyon, Louis Thomas Achille a enseigné pendant neuf ans la langue et la culture française à la Howard University de Washington, une faculté aux corps étudiant majoritairement afro-américains, considérés à l’époque comme la « Harvard Noir », à cause de la ségrégation raciale. À Paris, l’ex-universitaire fréquentera, des figures du Paris noir comme Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor ou Josephine Baker dans les années 30, dansera sur du jazz dans des salons, et collectionnera des textes et des partitions de musiques noires. Un savoir et une expérience de vie qu’il partagera avec les quelques milliers d’élèves du Lycée du Parc affiliés à la chorale au cours de son existence, de 1948 à 1994, année du décès de Louis Thomas Achille.
Héritage Sonore
L’héritage du Park Glee Club est palpable, et touche la région. L’ensemble Rainbow Swingers, lui aussi dédiés aux negro spirituals émerge à Grenoble en 1990, et à Saint-Etienne, Pierre Charreton, ancien Choriste du Park Glee Club fondera à son tour le River Glee Club. Ce Pierre Charreton, on peut le voir à l’image du documentaire « Chanter le Negro spiritual avec le Park Glee Club », récemment entré dans la collection de la Bibliothèque Municipale de Lyon.
Au cours de sa vie, Louis Thomas Achille a rassemblé un patrimoine conséquents fait de partitions de 78 tours et autres documents. Avec l’association Negro Spirituals, Lyon ses descendants ont pu préserver cet héritage, et l’ont proposé à la BMLyon. En 2023, c’est donc 350 documents issus de cette collection qui sont rendu disponible dans le Département Musique de la Bibliothèque. Vous pouvez d’ores et déjà consulter ses archives.