L’homme qui venait d’ailleurs…
Pascal Comelade, gars du Sud Ouest, Catalan, gitan, intello, artiste, curieux, encyclopédiste, anarchiste, bricoleur, improvisateur ? Il a tout fait, tout lu, tout bu par les oreilles ? Mais son avantage, c’est de penser, expérimenter, mélanger, puis agir !
Musicien de l’impossible
Alchimiste, cuisinier, parfumeur, accessoiriste, souffleur, funambule ? De Nino Rota à Moondog et aux Cramps, Pascal Comelade fut un filtre absolu, noirci au goudron des années 60, 70, période inépuisable, corne d’abondance et territoire de l’éternel retour…
La biographie à deux voix (Pierre Hild et Comelade) que proposent les éditions Le Mot et Le Reste, comble le vide de cette aventure bizarre d’un hyperactif total, que l’on peut avoir du mal à suivre car ce musicien de l’impossible accumule les références, sur plus de deux décennies surchargées.
Comelade convoque rock, garage, punk, mais aussi du minimalisme, du jazz, du répétitif, histoire de saluer des groupes comme Heldon ou La Monte Young. Sans oublier Satie, Debussy, Ravel, entrelardés de Vince Taylor ou du MC5 !!!
Comelade a bon goût ? Avec Robert Wyatt et Kevin Ayers, on est content. Mais avec Georges Jouvin ou Twist à Saint-Tropez, on se demande… De toute façon tout y passe et chacun de nous s’y retrouve : Kraftwerk ou Pere Ubu !
Non seulement cet individu joue avec des instruments d’enfants, des jouets, des crécelles, castagnettes ou des bandes magnétiques, mais en plus, il se plaît à citer Alfred Jarry, Raymond Roussel, comme William Burroughs ou Giovanni Papini (voir mon article sur ce site). Des auteurs radicaux ou maudits, des originaux très peu lus au final.
Pour ne pas mourir idiot
Ses musiciens valsent comme aux chaises musicales, chacun apportant sa touche ou sa (fausse ?) note, pour une touche de fantaisie, de surprise, ou d’émotion, auxquelles le Maestro tient plus que tout.
Mais qu’est-ce qui motive cet enfant gâté, entre surdoué et désobéissant ? Il aime tout, veut tout, mais façon Comelade-salade ? Il a enregistré des dizaines de « covers » ou de remakes, de versions augmentées ou amputées de riffs célèbres de « Louie Louie » à « Satisfaction » en passant par « You really got me ».
En même temps ce travail continu, cette déconstruction, ce bricolage forain, plein d’émotions et de clins d’œil, l’a emmené sur les rives de la KULTUR (!), ces musées, auditoriums et autres amphithéâtres ou ces dames de l’argent public viennent charitablement au secours des élèves doués, qu’elles couvent d’un regard plein de désir…(comprenne qui pourra ?)
Comme nous (les générations après guerre 1947 à 1960 ?) il a trempé dans tous les « coups » de la Pop culture, des tubes aux 45 tours impossibles, des fantaisistes aux losers, des génies aux ratés.
Sa tête aurait dû exploser (il doit y avoir des fissures et des fuites), mais tel le Pic vert, il a rafalé du bec (Woody Woodpiker ?) et fini par faire son trou dans le séquoia géant de la culture dite « populaire ».
Et tant mieux si Comelade a eu peur de manquer, s’il a voulu impressionner sa voisine, s’il s’est pris pour Léonard de Vinci, s’il a eu les yeux plus gros que le ventre et que son cerveau a enflé, car quand on s’intéresse aux trouvailles des autres, sans réserve ni cloison, on est pris à vie.
Ce livre contient donc toutes les références qu’il vaut mieux connaître pour ne pas mourir idiot.
Pascal Comelade. Une galaxie instrumentale. par Pierre Hild. Éditions Le Mot et Le Reste. 235 pages, 20 euros (avec des photos souvenirs)
Et en prime : les efforts – et les effets – d’un militantisme catalan que l’ancien danseur de Flamenco, lecteur d’El Vibora, Fan pro movida – Ceesepe, Mariscal, Barcelo, Nazario , Uka lélé, Martirio (voir Bazooka et Actuel)… et oranais que je suis, a du mal à appréhender.. Tant pis et ollé ! )
Visuels : © DR