Peu de mots ont fait couler autant d’encre. Le punk. Mais qui l’a inventé, le punk ? Le terme, d’abord, entré dans nos dictionnaires, fussent-ils les plus poussiéreux : Shakespeare, vraisemblablement, ou Lester Bangs ? Et, au-delà du mot, cette attitude, summum de la désinvolture rock ? Est-ce Iggy Pop, James Dean, Rimbaud, Diogène de Sinope ? « En réalité, vient recadrer l’avisé Lelo Jimmy Batista, cette question n’a pas à être posée, puisque personne n’a vraiment inventé le punk. Il traîne là depuis toujours. C’est un fluide, un esprit, une humeur. C’est la meilleure blague de l’Univers. C’est l’histoire d’un type qui prend des risques inconsidérés pour escalader une falaise à mains nues, juste pour le plaisir de pisser depuis le sommet. »
C’est ce genre de tempérament intrépide, rebelle (sans cause ?), que Renaud Cojo, de la compagnie Ouvre le Chien a décidé de malaxer, de pétrir, d’accommoder à sa sauce, via une mise au point. Ou plutôt, aux points. Punk devient P.U.N.K ; l’acronyme de « People Under No King ». Faut-il voir ici un clin d’oeil aux paysans anarcho-marxistes de Sacré Graal ? On pensera à lui demander, à l’occasion.
On ira surtout, si nos chemins se croisent, le féliciter de cette pièce rageuse, aux faux-airs de Sigma, indécrottable nostalgie d’avant-garde locale. Un spectacle porté par l’explosif duo formé par Annabelle Chambon et Cédric Charron, doublette d’interprètes ayant plus que fourbi leurs armes scéniques, pendant deux décennies, chez Jan Fabre.
Et la musique, me direz-vous ? Le point est tout de même important, quand un spectacle se nomme et se réclame du punk. Eh bien, ce sont les improvisateurs de l’Ensemble UN qui s’y collent, la formation polymorphe et pas bégueule (du noise-rock ? De l’harmonium ? De l’électroacoustique ? Tout leur convient !) drivée par le bassiste David Chiesa. Mission du quintet : amplifier et effiler le propos, rejeter sec et net le moindre enjolivement. « Le punk c’est détester toute poétisation de votre état », dixit le Bangs évoqué plus haut, et P.U.N.K, revendiquant l’héritage du mégatonnique rock-critic à la stache de routier (au point de le faire intervenir sur scène), tient cet axiome.
Sans Dieu ni maître, sans roi ni pédégé, les protagonistes de P.U.N.K vibrionnent sur, avec, autour de cette satanée étincelle qui fout le bordel partout où elle passe – potards à onze, tabula rasa et no future for you. À rebours des calcifications muséales, des inhumations prématurées, P.U.N.K vibre d’une énergie peu ordinaire, joyeux amok brûleur de vaisseaux – qui à Londres, qui à Détroit, qui partout ailleurs sur la mappemonde.
À Bordeaux, aussi, de fait, où cette nouvelle plongée performative de Renaud Cojo dans l’histoire du rock (après Discotake, Low/Heroes ou Et puis… Ziggy Stardust) ne manquera pas de réveiller quelques esprits. Pour en être, pour vous laisser transpercer, direct au foie, par MC5, Stooges, Pistols, Clash, Ramones, Métal Urbain et consorts, pour gagner ce billet d’entrée que vous guignez certainement, ça se passe ici, avec le mot de passe Nova Aime.