En quête d’infos et d’inédits, de choses qui n’ont jamais été dites, Baba Squaaly a développé l’art de perdre son temps, un art qui lui permet d’être toujours à l’affût.
Je sais, on me l’a dit, chaque matin, juste avant l’énoncé de mon sujet, il vous arrive d’avoir des sueurs froides. Mais de quoi va-t-il bien nous parler aujourd’hui, vous demandez-vous. Mon rapport à l’actu, ma lorgnette, si j’ose l’appeler ainsi, est, il est vrai assez imprévisible. Parfois comme tout éditorialiste, croulant sous une pile de journaux sans cesse renouvelés, je plonge sur les gros titres… Et parfois pas. Pour espérer abandonner les manchettes de la presse locale ou nationale, il faut oser prendre le temps de perdre son temps à plein temps, sans pour autant être encore à la retraite.
Oser s’enfuir dans un rayon de lumière, prendre la tangente dans l’entrebâillement d’une fenêtre ou juste regarder un tas de papiers faire corps sur un guéridon au loin et y trouver un sens, y deviner une structure sous-jacente, y lire même parfois un masterplan divin, sont quelques-unes de mes solutions. Ce sont mes remèdes à moi, mes remèdes face aux maladies, aux germes qui tapissent le monde du travail désormais. Pour ne pas s’abimer en plein burn-out comme un vieux chalut déclare des avaries dans sa coque en pleine mer, pour ne pas boire la tasse face à une surcharge de travail qui très vite bousille un à un, tous nos repères. Pour ne pas se laisser envahir par le bore-out, s’enfoncer dans l’ennui en français dans le texte, ou ne pas s’enliser dans le beaucoup plus récent mais déjà très tendance brown-out, le désengagement au travail ; la perte de temps en pleine conscience est une bouée à laquelle chacun de nous peut se raccrocher.
Perdre son temps à plein temps sur un temps donné est quoiqu’on en dise du temps de gagné. A l’heure du télétravail, le temps qu’on passe à faire la vaisselle, pour ceux et celles qui la font encore et ne délèguent pas à une machine cette tâche répétitive et souvent rébarbative, le temps de la vaisselle devrait être par exemple comptabilisé dans nos heures de travail, car combien de tensions ont été dénouées, combien de solutions à des problèmes inextricables trouvées lors de ces vaisselles. Et je ne cite que la vaisselle. Mais la liste est longue. Ces tâches s’appellent des manies, elles peuvent sembler stupides, régressives, abrutissantes, mais elles offrent le loisir de la roue libre au cerveau qui ne demande pas mieux et peu ainsi libérer tout ce qu’il ne livre pas à l’accoutumée. Sur ce j’vous laisse, j’ai la vaisselle du p’tit dej’ qui m’attend.