Voyagez, en musique, vers le pays des mille danses.
Comment ne pas se perdre définitivement dans la jungle ultra touffue de la musique brésilienne ? Avec ses arbres géants, ses plantes grimpantes, ses fleurs enivrantes, ses espèces variées infinies, la forêt d’émeraude et de sons ne s’aborde pas sans guide.
Bien sur le camarade RKK sait tout sur les produits maison : il y a vécu, produit, joué, accompagné, mixé, bavardé, mais il lui faudrait des nuits pour tout expliquer des méandres rythmiques et mélodiques d’un pays continent ou tout le monde chante et danse.
Alors un livre serré, concentré sur l’impossible éventail, serait un raccourci, un début de solution ? Avec une ouverture chronologique de 60 pages, puis 200 pages d’albums, car tant de sensibilités, de directions, d’idées et de mélanges ne s’envisage que cas par cas, David Rassent tente le pari. En tout cas il a réussi une sorte de guide du routard (avec beaucoup d’escales) et aussi un dictionnaire-boussole qui peuvent nous aider
A nous repérer.
J’ai enfin compris que la BOSSA NOVA vient du samba, mais avec des accents toniques changés, et joué ultra cool et intimiste, pas opposition avec tous ces autres genres fait pour la foule. Son rythme BATIDA, samba décalé, avec temps forts et faibles, permet des souplesses onctueuses, merci à Joao Gilberto et aux CARIOCAS.
Quant au FORRO, genre dans lequel on puise encore pour des musiques festives, il vient de ce NORDESTE séminal et tant cité, le nord pauvre et magique, rural et authentique, grand comme la France, qui coule comme une source perpétuelle d’inspiration.
Plus magique encore le SERTAO, bande aride du nordeste. Il faut voir les films brésiliens sur les CANGACEIROS , sorte de bandits justiciers, comme OS BANDEIRANTES (de Marcel Camus) , ou DIEU NOIR et DIABLE BLOND (de Glauber Rocha), ou ANTONIO DAS MORTES (du même), pour vibrer avec le sertao mythique.
Mais alors vous plongerez dans une autre forêt magique, celle du cinéma brésilien et de ce CINE NOVO des années soixante, à la fois politique, social, magique et visionnaire. Car ni ORFEU NEGRO (Marcel Camus), ni l’Homme de Rio (De broca) ne peuvent satisfaire les Brésiliens, malgré leur beauté ou leur fantaisie, qui restent extérieures.
Pareil en musique, ou par exemple le JAZZ a plus reçu que donné ! Aujourd’hui, Rap, Techno ou FUNK y sont devenus purement brésiliens, pilonnés au rythme locaux. Le seul apport est technologique ou MODE. Le PSYCHEDELISME brésilien aussi a eu lieu, s’opposant à travers le TROPICALISME, en 1967 au putsch militaire, contestant le nationalisme, bien décidé à ouvrir la culture et la musique du Brésil au monde, à travers le mouvement hippy.
On y trouve beaucoup de grands, (qui furent poursuivis et emprisonnés !) : Caetano Veloso (le fondateur), Gilberto Gil qui deviendra ministre de la culture), Chico Buarque (et son ami diplomate et auteur Vinicius de Moraes), Jorge Ben (le seul issu des favelas), Tom Zé ( redécouvert par David Byrne) …
Mais aucun ne peut se résumer à son origine, à un style ou un tube, car tous sont auteurs, compositeurs, multi instrumentistes, arrangeurs… On ne peut qu’énumérer leurs sources, leurs influences, leurs inspirations, et l’héritage qu’ils nous laissent, protéiforme.
Enfin il faudrait lire aussi JORGE AMADO, le grand romancier qui décrit à merveille le peuple brésilien et voir MACUNAIMA (de Joaquim Pedro de Andrade), fresque fantaisie qui aborde les 3 cultures, indiennes, noires et portugaises, toujours avec le réalisme cru et magique, frisant parfois le surréalisme ou la comedia del arte. Enfin « La plage du désir » (de Ruy Guerra), pour comprendre la gamme de la musique brésilienne, qui est aussi chair, sang et SAUDADE, pas seulement joie et énergie.
Il faudrait continuer la fresque musicale avec les collaborations, connivences, mélanges, duos ou groupes qui ont fait des merveilles, mais aussi les femmes, enfants, amis, et complices de tous ces artistes aux talents si multiples…
Et bien sur jeter un coup d’œil sur le CANDOMBLE ( frère de la Santeria cubaine et du Vaudou haïtien) et les ORISHAS (Ogun, Yemaya, Elegua Chango..) ancêtres tutélaires et saints protecteurs, pour s’élever. Ne vous découragez pas, car le panorama est grandiose, les êtres simples et directs, et les sensibilités infinies, comme les rythmes, car cette cuisine savante n’est faite que de dosages.
Musiques Populaires Brésiliennes. par David Rassent
270 pages. Editions le mot et le reste. Avec + de 90 albums
expliqués avec pochette des années 50 à maintenant… comme un historique de base, et même un dictionnaire à la fin . 23 euros.