Entretien avec Phazz, Producteur Lyonnais.
Phazz est un producteur français dont le travail et la minutie musicale commence à faire résonner son nom sur Internet. Entre remixes et compostion personnelles, la trajectoire du beatmaker rebondit sur les notes et semble pouvoir rassembler un large panel d’adeptes. Un talent à suivre.
Lorsque l’on veut se pencher sur ton travail, il existe deux appréhension de ta façon de composer, des compositions et des remixes, qu’est ce que t’apportes ces deux aspects de création ? Et ce que ce sont des processus complètement différents ?
Ce sont clairement deux façon de bosser complètement différentes, mais je m’amuse autant à faire des remixes que des originales pour dire vrai ! Dans des morceaux originaux, tu es sur un terrain vague et seul avec ton imaginaire. Alors que dans un remix, tu pars quand même avec des matériaux de construction avec lesquels tu vas pouvoir jouer et parfois obtenir de très belles surprises. Mais en termes d’enrichissement, je pense que les deux m’apportent autant l’un que l’autre, qu’ils sont complémentaires.
Disclosure – Latch (Stwo & Phazz Edition)
Tu sembles hyper productif, avec des releases assez fréquentes, tu composes et remixes en permanence ou tu as besoin de te trouver dans certaines circonstances pour y parvenir ?
Je passe beaucoup de temps devant mon ordi, je produis quasiment tous les jours sans forcément arriver à mes fins, je dois jeter je pense 80% de mon taf mais à un moment y’a un truc qui me parle vraiment et je garde. Après oui, il y a quand même 2 trucs dont je ne peux pas me passer quand je bosse : du café et un sachet de mon meilleur fournisseur d’herbe.
« tu es sur un terrain vague et seul avec ton imaginaire »
Tu a fait paraître un EP de tes compos et prépare le deuxième, comment s’organise la création de ce qui doit avoir une réelle couleur, une uniformité ?
Comme je l’ai dit précédemment, je produits beaucoup, du coup j’essaye de reproduire un peu le même « mode opératoire » que pour mon premier EP « Marble » c’est à dire que je me suis posé quelques temps pour bien réfléchir à ce que je voulais faire, rassembler les influences que j’ai pu découvrir entre temps et que je veux absolument transmettre ; mettre le doigt sur une ligne directive si je puis dire.
Ryan Leslie – Addiction ft. Cassie & Fabolous (Phazz Remix)
Qu’ont pu t’apporter les expériences en set, ont-elles orienté ta façon de composer ?
En réalité oui, ça m’a clairement influencé. Je suis vraiment devenu DJ parce qu’il fallait que je joue ma musique en soirée et parce que j’ai rencontré des personnes qui m’ont aidé à connaître cette culture. Du coup, ne serait‐ce qu’en terme de structures, j’ai forcément été guidé puisqu’il fallait que ces tracks soient « DJ friendly » afin que je puisse les jouer et que celles-‐ci se retrouvent jouées également par d’autres DJs.
Après, grâce aux rencontres que j’ai pu faire via le monde du DJing, ce sont surtout mes influences qui ont été diversifiées. J’ai pu m’orienter vers plus de Bass Music en passant vraiment par tous les styles, me permettant de découvrir d’autres langages, d’autres « codes », ce qui est clairement enrichissant.
Comment est ce que tu définirais, ton genre et ton registre
Alors voici clairement la question à laquelle je ne saurais répondre parce que je ne fais jamais réellement la même chose ! Mais pour faire simple et parce qu’il faut bien que je réponde : un mélange de jazz, de hiphop/soul/rnb et de musiques électroniques. Le jazz est quelque chose qui a toujours été présent dans ma formation musicale, le hiphop j’en ai toujours écouté, et la musique électronique est un amour qui est né durant mon adolescence.
Tu viens du beatmaking hip hop pur à l’origine et tu tends davantage vers la jersey Club aujourd’hui, comment s’est passée cette transition ?
Je pense que ça vient des personnes que j’ai pu rencontrer ces dernières années, autant celles qui m’entourent que celles que j’ai pu découvrir via Soundcloud. Y’a deux ans de ça, on a monté un collectif avec des copains (DJs et/ou producteurs) sur Lyon s’appelant le True Lyon Crew qui regroupe quasiment l’intégralité du son « Bass Music » : House, Uk Garage, Grime, Juke, Footwork, Trap, D&B, Dubstep … chaque membre a son angle d’attaque, on revendique vraiment toute la richesse qui peut découler de ce mouvement. Et sincèrement, cette expérience m’apporte beaucoup, on est 7 à digger dans des genres complètements différents du coup, ça crée une émulsion géniale et des découvertes surprenantes. J’ai eu la chance de rencontrer aussi Juke Ellington puis par la suite Tokyo Handz en intégrant le #Tomcrew, communauté initialement Américaine qui rassemble des producteurs/DJ du monde entier, un vrai réseau s’étant crée grâce au net et revendiquant cette génération « 2.0 » ( tu y retrouve des gars comme DJ Paypal, CJ Milli, Trill Scott Heron, DJ Tiga ou même Cashmere Cat ). Et je pense sincèrement qu’en découvrant tout ce que ces types pouvaient faire ou même écouter, ça m’a clairement ouvert d’autres portes et donné envie d’aller explorer plus loin.
Tu serais toujours intéressé à l’idée de collaborer avec des emcees ?
Evidement ! Le rap me parle beaucoup, je trouve que ça rajoute quelque chose de dingue à un morceau. J’aime bien bosser avec des voix, que ce soit du chant ou du rap. D’ailleurs, reste à l’affût, j’ai quelques projets en cours mais je ne peux pas encore en parler.
« La scène française est clairement riche »
A l’image de la musique de l’ère internet on sent que tu puises et recomposes avec tes influences, quelles sont-‐elles et comment te les appropries-‐tu?
Oui c’est un peu l’idée effectivement, je pars du principe que concernant les genres on a un peu fait le tour de tout. Evidement, il y aura toujours un type pour présenter quelque chose de vraiment nouveau mais avec le « patrimoine » qu’on détient, c’est souvent une fusion de plusieurs choses déjà faites auparavant, à laquelle personne n’aura jamais pensé puis boom : ça fonctionne. Du coup, j’aime bien rassembler un peu tout ce qui me plaît à droite à gauche en essayant de les synthétiser à ma façon. C’est souvent des trucs minuscules que j’entends puis qui d’un coup me parlent, et j’me dis « ah ouais, pourquoi pas ». Je vais souvent puiser dans ce que j’écoutais auparavant étant plus jeune. Par exemple, j’étais un dingue de rock n roll, c’est quelque chose qui me parle beaucoup et que j’essaye de transmettre dans mes compositions. Tu sais ce truc qui fait que tu te prends quelque chose de gros en pleine face, qui te donne la sensation d’avoir gagné la coupe du monde tout seul dans ta piaule, c’est vraiment un sentiment que j’essaye de retransmettre. Beaucoup de Jazz évidemment, je pense particulièrement à Chick Corea qui a été un tournant dans ma vie de musicien, ce type est réellement un génie. En vérité, j’écoute vraiment de tout : du hiphop, du jazz, de la soul, du rock, de la folk, de la bass music, du funk, de l’ambient, de l’IDM voir même de la musique classique. Puis après évidemment toute la scène actuelle, c’est un nid à idées folles.
Soulection a déclaré récemment qu’ily avait un vrai vivier musical dans ce registre en France, qu’elle est ton opinion à ce sujet ?
Alors là c’est évident ! La scène française est clairement riche : Stwo, Dream Koala, Evil Needle, Myth Syzer, puis Cosmonostro ( label monté par 96 un des deux créateurs de Soulection ) sont des noms qui font leurs pesant de bruit en ce moment et qu’il faut à mon sens suivre. C’est un fait, en France il se passe des choses ! On doit être fier de la scène qu’on a et la revendiquer. Il y a bel et bien des types qui font bouger les choses et c’est dommage qu’ils réussissent principalement à l’étranger (sans vouloir me la jouer chauvin ). Mais heureusement qu’il y des gens comme vous qui s’intéressent à cette scène, parce qu’il faut en parler ! Après personnellement – parce qu’il faut pas tirer la couverture vers nous quand ça nous arrange -‐ j’irais bien plus loin en disant qu’il y a un vrai vivier en Europe, une scène importante qui se crée avec des producteurs de qualité.
Phazz – Invictus ( EXCLUSIVE for Plastician on Rinse FM – 31.01.14 RIP )