La chronique de Jean Rouzaud.
À mesure de leur conquête de la planète, les déchets sont devenus incontournables. On trouve des études, essais, sites, commentaires, réflexions, uniquement destinés à nous faire comprendre les enjeux d’une certaine pollution, et peut-être aussi réaliser la valeur de ces déchets diaboliques, mais qui sont bien les nôtres.
Ces déchets qui sont les nôtres
L’idée que l’on achète, mais sans « consommer », est aussi un paradoxe : combien de gens achètent ce qu’il n’utilisent jamais (!), juste pour satisfaire la compulsion d’achat, plus le stockage égoïste et enfin le « jetage » inévitable. Grande source de déchets…parfois récupérés ?
Car il faut bien analyser la « morale » des sociétés de consommation avec un jugement de valeur sur ce qui est beau, neuf, propre, brillant et de ce qui est usagé : ce puritanisme que l’on nous impose sur le propre, par rapport au sale…pour nous faire acheter du faux propre !
Tout est à revoir dans nos vies, nos choix, et même notre éthique à court terme, sans réfléchir au fait que nous allons plus vite que la nature, en la pillant constamment sans lui laisser le temps de se refaire, pour produire des choses laides, imparfaites et jetables…
Changer de programme mental, pour la paix économique !
L’obsession de la production dans nos pays dit « développés », devient intenable. Les objets doivent être repensés, mais chacun veut aller plus vite et brûler des matières premières n’importe comment pour vendre avant les autres. C’est la course du rat ?
Même « l’Art contemporain dégrade l’objet artistique, pour ne valoriser QUE le discours qui l’accompagne ». C’est ce qui avait fait dire au grand critique de la figuration libre, Bernard Lamarche Vadel, que cet Art allait tout droit vers sa « poubellisation » ! Oui, puisque l’objet artistique n’est plus qu’un prétexte, bâclé, pour vendre du concept, à un moment donné.
Et c’est à force de réexamen, de redéfinition que nous cesserons d’être influencés. Pareil pour l’architecture…rapide, préfabriquée, pas vraiment faite pour vivre à long terme, mais pour désengorger des zones de vie.
Reste l’énergie, car toutes les machines à produire consomment de l’énergie et rejette des matières dégradées. Mais ces déchets ne sont-ils pas les matières premières de demain ? À condition d’imaginer leur suite utile et possible, en arrêtant de les considérer comme ordures…
Bref, Jean-Luc Coudray, auteur prolifique, y compris en BD avec Moebius (Les histoires de Monsieur Mouche), curieux de tout, a dû buter sur le monde technico marchand qui nous écrase de son diktat : produire et vendre, sans aucune vision du futur, de l’humain. Banal, mais à suivre !
Moi qui apprécie les vieilles choses, patinées, usées…(mais uniques, par rapport aux objets de série). Peut-être en réaction, car je suis conscient que le déchet ultime c’est l’être humain : vieux, inutile, sans fonction. Bon à jeter ? Quand cesserons-nous de juger en aveugle ?
Je cite l’auteur : « à quand les déchets à obsolescence programmée ? » Ça s’appelle biodégradable. Mais c’est dans nos têtes que cela se joue.
Guide philosophique des déchets, de Jean-Luc Coudray. Éditions i. 270 pages. 16 euros. Ce guide est fait de tous petits chapitres : chaque concept philosophique avec un titre, puis une page de texte, puis une comptine.
Visuel en Une : (c) Getty Images / Bloomberg