Nos programmateurs racontent la militante derrière l’artiste à travers une playlist qui lève le poing bien haut.
« S’engager relève de la responsabilité de l’artiste », disait Nina Simone. Alors, elle l’a fait. Elle a chanté le droit des femmes, le droits des communautés noires, des causes qui valent la peine d’être menées. Nina Simone fût une femme de son temps et l’Histoire s’en rappelle : son aura d’artiste activiste n’a cessé de grandir depuis les années 60, peut-être parce que les temps n’ont pas tant changé que ça. De ces engagements, nos programmateurs se sont également souvenus : en playlist, ils racontent la Nina militante, la Nina combattante, la Nina orientée, non plus seulement vers sa propre liberté, mais aussi vers celle des autres.
Des morceaux qui montrent une Nina activiste, engagée politiquement, mais aussi féministe. Des hommages à Martin Luther King, notamment « Why the King of Love is Dead » et « Sunday In Savannah », enregistrées la veille de ses funérailles en Géorgie. Au début de « Sunday in Savannah » elle fait notamment un discours poignant sur le deuil.
Des droits civiques…
« Four Women », « Mississippi Goddam » ou encore « Strange Fruit » dénoncent les abus et les sévices commis contre les Noirs américains. « Mississippi Goddam », notamment, fait référence au meurtre de Medgar Evers, un noir américain, et à l’attentat à la bombe contre une église en Alabama qui a tué quatre enfants noirs. Elle crie : « Donnez-moi juste de l’égalité !! » et enjoint le public à se rallier à la cause, ajoutant « Comptez pas sur moi pour être non-violente ».
« Strange Fruit » fait évidemment référence aux lynchages des noirs et « Four Women » dresse le portrait de quatre femmes noires ou métisses, qui représentent chacune un stéréotype de femme Afro-américaine dans la société américaine des années 60.
« To be Young Gifted and Black » et « I wish I knew how it would feel »… sont devenus des hymnes de la lutte pour les droits civiques. Sa reprise de « Revolution » des Beatles est encore plus militante que l’originale, en changeant les paroles elle en fait une réponse plus véhémente, inscrit le morceau dans une véritable dynamique de lutte, appelant clairement au changement de la Constitution américaine pour répondre aux inégalités. « Mr Backlash » est une critique du gouvernement américain, qui envoie « son fils au Vietnam », qui dénigre les citoyens « de couleur », et rend impossible leur accès à la propriété ou à des salaires corrects.
Et puis, il y a « To be young, gifted and black » (« Être jeune, talentueuse et noire »). Paru en 1970, cette composition originale de Nina a été écrite en hommage à son amie Lorraine Hansberry, écrivaine notoire disparue à l’âge de 34 ans, dont l’oeuvre était essentiellement tournée autour de la vie des Afro-américains à l’époque de la ségrégation.
…aux droits des femmes
« Tell it like it is » est un rare morceau féministe pour l’époque, qui commence par les mots : « Si tu veux quelque chose avec quoi jouer, vas te trouver un jouet / Parce que, mon petit garçon, mon temps vaut cher ». Pareil pour le titre « Chauffeur », où elle dit à un homme : « sois mon chauffeur » et « ride me » ce qui se comprend comme « chevauche-moi » aussi bien que « conduis-moi », allusion sexuelle bien sûr mais sur une perspective de domination de la femme, qui commande, et qui assume sa liberté sexuelle.
Et évidemment « Baltimore », composé par Randy Newman, et quo semble être une réponse au « Inner City Blues » de Marvin Gaye, évoquant la difficulté de la vie des habitants de Baltimore. Un thème développé en filigrane sur le titre « The Family » issu du même album, qui dépeint une famille d’ouvriers détruite par l’alcool et la disette. La narratrice se décrit « abandonnant sa famille », prenant un train pour fuir cette misère, un écho à sa propre vie (puisqu’en 1978, au moment de l’album, elle revenait d’une longue période d’exil en Afrique et en Europe, abandonnant une partie de sa famille).
Visuel © Getty Images / Frans Schellekens