L’actu bd lue par David Blot en 7 albums.
Angou quoi ? Lème ? Ok, on passe à autre chose.
Sociorama est le nom d’une nouvelle collection chez Casterman, conçue comme le point de rencontre entre la bd et la sociologie. Oui, du docu bd, donc rien (du tout) de très original aujourd’hui, mais les deux premiers ouvrages parus fonctionnent jusqu’à l’emballage, format et maquette sentant bon un manuel PSU 70’s. Dirigée par Lisa Mandel, pour la partie Bd, et Yasmine Bouagga pour la sociologie, ces études romancées en bd aux sujets dignes d’un « Que sais-je » (« les caissières de supermarchés », « travailleurs en BTP », « les hotesses de l’air ») bénéficie d’un traitement, l’un de Lisa Mandel (La Fabrique Pornographique) et l’autre de Claire Braud (Chantier Interdit au Public), aussi hilarant que juste.
Love Story à L’iranienne est un autre docu bd, signé Jane Deluxard et Deloupy chez Delcourt, sur les amours contrariées de la jeunesse iranienne. Mené incognito sur place, et retranscrit à Paris, on y découvre le quotidien d’une vie infernale pavée d’interdits d’une jeunesse, par ailleurs cultivée, et vivant dans un pays en temps de paix. On n’est pas loin de retrouver l’angoisse du Pyongiang de Delisle, mais avec des habitants infiniment plus proches de nous.
Est ce que l’on peut ranger Les Cahiers d’Esther de Riad Sattouf dans le docu bd ? Est ce que le nom même de docu bd vous va ? Vous avez 4 heures. On ne va pas en faire autant sur le Sattouf, c’est déjà un best seller, on va faire vite : c’est juste génial. On ajoutera que l’ouvrage (paru chez Allary Editions) est aussi superbement soigné, la maquette, le papier, la tranche, tout est fignolé pour régner en bonne place dans votre bibliothèque.
Si ce n’est pas du docu, c’est de la fiction – mais si c’est de l’auto fiction c’est quoi ? Ca sera votre devoir de vacances. Etrangement, trois mois après la publication de l’excellent Est-ce qu’on pourrait parler d’autre chose ? de Roz Chast (dont on disait un bien fou ICI), Delcourt publie Sorties de Secours de Joyce Farmer. Soit – hasard du calendrier surement – le même sujet : la fin de vie de leurs parents, traité par deux sommités de l’underground féminin américain, d’un côté Chast et ici Farmer. Vanté par Robert Crumb, l’ouvrage de Joyce Farmer est moins drôle que le Roz Chast, mais tout aussi précis, tendre et peut-être même rassurant.
Mais où est passée la fiction? Non vraiment où ? Un peu chez Julie Birmant et Clément Oubrerie adaptant la vie tumultueuse d’Isadora Duncan (Il était une fois dans l’Est chez Dargaud) et notons que l’élégance du trait d’Oubrerie prend des allures de Will Eisner – mais, d’accord, il s’agit d’un biopic, certes très romancé, pas encore d’une totale fiction.
Alors couronnons le Watertown de Götting, merveille de polar provincial américain 60’s sortie chez Casterman, d’une profondeur telle que la chute aurait mérité d’être développée, tant elle ouvre des perspectives d’une portée existentielle. Oui, oui, j’ai sorti les grands mots. Ca le mérite.
Bonne lecture.