Récemment, dans absolument tous les concerts de rap français, il y a toujours un moment où les rappeurs lancent un pogo. Or, ça n’a pas toujours été le cas dans le rap francais.
Dans un documentaire disponible dans son intégralité sur youtube, publié le 21 novembre, le média Streetpress se penche sur ce phénomène récent. Différentes personnalités du secteur du rap interviennent pour expliquer cette pratique, son histoire, ses déclinaisons (mosh pit, circle, braveheart), ou encore ses dérives.
Pour faire simple un pogo, c’est quand le public forme un cercle vide dans la foule, attend qu’un morceau arrive à son paroxysme pour se jeter les uns sur les autres. C’est un mouvement de foule collectif. Bien sûr le pogo en lui-même n’est pas du tout un phénomène nouveau, ses origines remontent à l’époque du punk.
La pratique était déjà populaire à l’époque des Sex Pistols (Sid Vicious, le bassiste, affirme avoir inventé le pogo, dans le documentaire L’Obscénité et la Fureur), dans les années 1970. L’Angleterre thatchérienne regardait ce phénomène d’un œil pas très rassuré, car il est perçu comme violent et incivilisé.
D’une contre-culture à l’autre, ce mouvement d’arène où l’on se bouscule dans la foule est arrivé dans le rap, dans les années 1990, mais aussi dans la musique électronique, finalement dans tout type de genre musical. Le rap français des années 90 ne semblait pourtant pas être un lieu ou le Pogo se pratiquait régulièrement.
Mais alors, pourquoi est ce que cela devient de plus en plus populaire dans le monde du rap français de nos jours ? Selon le emcee A2H, on peut en partie expliquer ce phénomène par un changement de tempo des morceaux de la sphère rap d’aujourd’hui. La trap et la drill tournent autour de 130-140 bpm, le rap 90s, lui, dépasse rarement les 105 bpm.
Au-delà d’un changement de tempo, et donc l’arrivée d’un rythme nouveau dans les concerts de rap, certains événement marquants ont pu jouer leur part. Pour le journaliste Mehdi Maizi, c’est le concert de Jay-Z et Kanye West de 2012, où ils ont joué plus de 10 fois d’affilée “Niggas in Paris” en chauffant le public à pogoter, qui a contribué à populariser la pratique.
Le suisse Dimeh figure aussi dans le documentaire, où il explique que son collectif XTREMBOYZ a lui aussi œuvré pour propager le pogo dans les concerts de l’hexagone. Cette propension à apprécier les bousculades de foule chez les rappeurs suisses pourrait être due à la proximité avec les festivals Allemands, grands rassemblements du rap international, où des artistes comme Travis Scott ou Playboy Carti (deux avatars du rap US contemporains, deux déclencheurs de pogo assumés) se représentent plus régulièrement qu’en France.
POGO de streetpress interroge également le rappeur Soso Maness, auteur d’un hymne au pogo, composé avec le producteur Vladimir Cauchemar “Il n’y a pas besoin de savoir danser, il n’y a pas besoin d’être le plus beau, il n’y a pas besoin d’être le plus riche. Je pense que le pogo, ça ramène les gens dans une même classe sociale : des gens qui ont juste envie de faire la fête.”.
“Pogo” de Streetpress, en plus de dépeindre ce phénomène, est donc un outil dont il faut vous munir afin de préparer vos prochains concerts de rap. On rappelle que Streetpress (média engagé contre l’extrême droite, et auteur de la newsletter FAF) a besoin en ce moment de soutien.
Un texte issu de C’est Bola vie, la chronique hebdomadaire (lundi au vendredi, 8h45) de David Bola dans Un Nova jour se lève.