Peut-on encore se moquer de nos propres dérives ? Le culte Hamburger Film Sandwich ressort en DVD
Will Smith vient de déclarer, avec décontraction et lucidité, que son dernier film était un «Popcorn Movie». Il reconnaît implicitement que ces aventures en images boostées ne sont que pur divertissement, destiné à faire vendre des gros sacs de Popcorn. Souvent aux US, la règle est «the show must go on» jusqu’à l’absurde, sans aucune justification de progrès ou d’éducation.
Au début des années 70, une bande de rigolards décident de faire un film à sketches qu’ils nomment Kentucky Fried Movie par allusion à la chaîne de fast-food « Kentucky Fried Chicken ». Mais comme KFC n’est pas suffisamment connu en France, le titre devient « Hamburger Film Sandwich » – ce qui est juste, puisque ce film est fait de tranches.
Spots de pub minables, émissions de télé stupides, réclames atroces et parodies de cinéma
C’est une série de séquences piétinant le style américain de l’époque : spots de pub minables, émissions de télé stupides, réclames atroces et surtout quelques parodies de cinéma de sous-genre : érotisme, Kung Fu ou encore Blaxplotation… Le tout réalisé par John Landis (The Blues Brothers).
Les Nuls sont les enfants directs de ce film
Les Nuls de Canal + sont les enfants directs de CE film, ou la connerie satisfaite des présentateurs télé n’a d’égale que celle des journalistes interviewers et autres politiques, des speakerines à cervelle de gerboise, sans oublier celle des scénaristes du cinéma populaire.
On retrouve par exemple un film Black 70, parodie de Shaft ou Foxy Brown ou l’héroine « Cleopatra Shwartz », coupe afro, seins nus et pantalon disco s’associe avec un rabbin pour flinguer dans le ghetto: une bande annonce qui sonne presque vrai.
Ou un faux Bruce Lee qui combat un terrible maître Ninja cruel, qui remplace son poing artificiel par des griffes, comme dans La fureur du dragon, mais aussi par une brosse à dents électrique, un séchoir à cheveux – parfait pour son brushing Hong Kong 70, ou encore par un lance-flamme pour en finir. Un James Bond également – avec le vrai Georges Lazenby, 007 dans Au service secret de sa majesté, et une apparition de Donald Sutherland, en serveur maladroit qui se vautre avec un énorme plat très salissant. Star en contre-emploi.
Ces bouts de faux films sont impeccablement traités par Landis dans le détail : déco, casting, look, stylisme… Malgré un budget d’amateur, les scènes sont ponctuées de courtes incursions télé, par exemple un documentaire écologique sur la récupération d’huile et de graisse dans les fast-foods, sur des stocks de peignes italiens usagés ou encore sur la peau grasse d’adolescents boutonneux .
Des femmes nues fouettées par un nain
On peut aussi voir une parodie d’une sorte de commandant Cousteau, playboy précieux et efféminé, énonçant doctement les dangers des poissons et de la cuisine à bord, mais décrivant aussi les joies simples d’une quarantaine d’hommes à demi nus dans un habitacle très restreint.
Je ne peux conclure sans évoquer également cette imitation de film érotique, Jeunes lycéennes catholiques en chaleur, ou des femmes nues de plus de trente ans se font fouetter par un nain, entre autres.
Landis propose aussi une variante du film de John Waters Polyester en «Odorama» (ou on vous distribuait une plaquette incroyable avec les odeurs de chaque scène !) : cette fois-ci un « sensorama » ou une ouvreuse de sexe masculin vous fait vivre un film romantique avec TOUS les sens. Amour, jalousie et scène de ménage, à vous de voir.
Ridiculiser toute une société en délire
Le plus fou c’est que quarante ans après cette tentative de ridiculiser toute une société en délire, les mêmes émissions, pubs et films ineptes ont envahi le monde, en encore plus fous et débiles !
Et comme le disait encore Dino Risi, après le même genre de sketches dans son film Les monstres, en citant Berlusconi ou la télé-réalité : plus personne ne se moque aussi ouvertement des énormités des personnages et des médias.
Pourtant, oui, ça continue de plus belle, mais les producteurs ne veulent plus qu’on se foute de leur gueule.
Trailer :
Hamburger film sandwich de John Landis en DVD