Une émouvante zone de résistance aux orages des temps qui changent.
Pendant la mandature de Bolsonaro, Kleber Mendonça Filho, l’un des plus passionnants réalisateurs brésiliens apparus dans les années 2000, est venu s’installer en France. Avec le retour de Lula, il est rentré chez lui à Recife, sa ville. Pour ne pas dire sa vie, quand c’est là qu’il a nourri sa passion pour le cinéma, jusqu’à la mettre en scène dans son premier long métrage de fiction, Les bruits de Recife. Celui des projecteurs des salles de cinéma locales n’existe quasiment plus, la plupart ayant fermé, englouties par la spéculation immobilière ou transformés en églises évangéliques, ne laissant à Filho que les souvenirs de séances.
Avec Portraits fantômes, il revient sur cette disparition à laquelle il superpose celle d’une dolce vita à la brésilienne dans laquelle il a grandi, protégé par les murs de l’appartement familial. Ce journal intime tourne rapidement les pages de celui collectif d’une société qui s’est effrité dans un enfermement paranoïaque ou sécuritaire.
Plus qu’un élan nostalgique, Portraits fantômes rédige un carnet de bord entre archéologie et sociologie, touchant quand il ne se veut pas pamphlétaire, mais empli de chagrin. Il en émane un spleen façon Saudade, mariant l’existentialisme d’un Antonioni à la curiosité du quotidien d’un Chris Marker, humeurs mélancoliques et ironiques. Mais aussi une foi dans le cinéma malgré tout, quand des traces de fictions s’insèrent dans ce portrait documentaire, comme une présence rassurante, un ultime refuge. Un récif d’images protectrices de la mémoire de Recife, faisant de Portraits fantômes une émouvante zone de résistance aux orages des temps qui changent.
Sortie le 1 novembre