Mick Jagger : Onc’ Picsou chez les hippies.
Les Éditions Rivage Rouge sortent la traduction du récit de Joel Selvin sur le concert des Stones à Altamont, Californie, en 1969.
Selvin a vécu cette période et il a depuis tout écrit sur le Rock. En professionnel américain, il nous conte par le menu et dans les moindres détails cette sombre affaire de concert gratuit et improvisé, ou un Hell’s Angel a fini par poignarder un black agité, qui avait sorti un flingue au premier rang…
Il ne tombe pas dans la mythologie californienne et énumère les erreurs et les vacheries de Jagger pour ramasser la mise avec un film de ce concert de fin de tournée, et qui devait sortir avant celui de Woodstock, pourtant antérieur, et rafler la mise…!
Grateful Dead & Hells Angels
Résumons, sinon on n’y comprend rien : les Stones ont raté Woodstock, mais leurs concerts sont ceux qui rapportent le plus en 1968. Ils deviennent des stars aux US, le gros marché. Les hippies exigent un concert gratuit. Les Stones acceptent, coincés, mais veulent se rattraper (en douce) sur les droits d’un film de leur tournée, et le sortir avant celui de Woodstock. Ils entrainent dans cette idée le Grateful Dead, Jefferson Airplane, et les Flying Burrityos (Gram Parsons et deux ex Byrds) et les Hell’s Angels (le chapitre de San Francisco) comme service d’ordre.
Pour des questions d’argent, Jagger refuse les endroits adaptés avec scène, sécu etc. Il se sert d’hommes de paille pour les responsabilités et signatures. Il manipule au point qu’on ne sait plus qui décide. Une bande de requins de show biz s’incrustent à tous les niveaux (tous les noms de ces arnaqueurs avides sont dans le livre…)
Le Grateful Dead, arnaqué et écoeuré, se retire du panier de crabes. Les frères Maysle obtiennent le tournage. En catastrophe, la colline d’Altamont, au sud de San Francisco est choisie. Le jour J, on donne le chiffre de 300 000 personnes présentes ! Il n’y a pas de stage, les groupes jouent à un mètre du sol, la foule menace de déferler. Les Hells improvisent un barrage musclé avec leurs motos. Le concert dérape, des centaines de personnes sous LSD, amphétamines dérivent, mais demeurent miraculeusement cool.
« Sympathy for the Devil »
Des Hells éméchés aussi, commencent à cogner ceux qui poussent trop. Le Starship et les Burritos passent dans le chaos naissant. Les Stones font monter la pression d’un cran avec « Sympathy for the Devil ». Paradoxalement Jagger supplie la foule de se calmer. Un jeune afro-américain excentrique et speedé, repéré par les Hells devant la scène sort un gros flingue et un Hell’s Angel le poignarde…
Le concert se termine et tout le monde file en hélico devant une marée humaine. Le film met en avant l’angoisse et la violence. Une trahison de plus. Le mythe hippy en prend un coup, les groupes californiens chutent. « End of Hippy » est célébré deux ans après le Summer of love (1967). Les Stones se sont brulés les doigts avec le démon et deviennent « entertainers ».
Bref, un fait divers, mais où une bande de tarés a tout fait pour que ça tourne mal. Miracle qu’il n’y ait pas eu plus de dégâts (en fait il y eut deux autres accidents fatals). Beaucoup de frime, d’arnaque et d’argent, et une bande d’affreux. Les hippies , éternels figurants paumés et manipulés, pour une mythologie absurde et niaise, à laquelle les Stones n’ont jamais cru.
Altamont 69. Les Rolling Stones, les Hells Angels et la fin d’un rêve. De Joe Selvin. Éditions Rivage Rouge. 300 pages. 24 euros.