« 3 Feet High and Rising » fête ses 30 ans.
Notre focus du jour s’intéresse à De La Soul, parce que c’est les trente ans de leur premier album et parce que c’est un cas d’école représentatif de l’industrie musicale et de ses mutations actuelles.
Si vous êtes comme nous des grands fans de De La Soul et que vous êtes abonnés à une plateforme de streaming, vous avez sans doute déjà remarqué que les premières traces discographiques de leur brillante carrière sont indisponibles… Et notamment le chef-d’oeuvre 3 Feet High and Rising.
Il faut dire que De La Soul mène un combat de longue date contre leur label, Tommy Boy, pour faire paraître leur musique en ligne. Et ça n’a clairement pas l’air de bien se passer, dans une série de posts sur Instagram, le trio hip hop de Long Island a affirmé qu’il ne sont pas du tout satisfaits des conditions selon lesquelles leur musique va être rendue disponible en ligne. Ils ont affirmé je cite : « Nous sommes tristes de sortir notre discographie sous des accords qui sont si peu équitables et si injustes, OUI, la musique va être disponible en digital, mais après 30 ans de dévotion pour la culture et le mouvement Hip Hop, De La Soul ne va pas toucher les fruits de son travail. Vos achats et vos streams vont aller à 90% à Tommy Boy, le Label, et seulement à 10% à De La Soul ».
Mais ce que cette histoire raconte ce n’est pas que l’histoire de la répartition des droits avec les oeuvres publiées sur les plateformes, des répartitions souvent inégalitaires qu’on vous a déjà évoqué à plusieurs reprises dans Bam Bam, c’est aussi toute une histoire du hip hop.
Une histoire de samples
Et l’histoire du hip hop et de De La Soul, c’est aussi une histoire de samples, car le premier disque des De La, c’est aussi une démonstration d’utilisation de samples, de jazz, de funk, de pop… Ce qu’il s’est passé c’est que le label Tommy Boy, n’avait pas cru ou en tout cas pas imaginé le succès planétaire des De La Soul, et avait quelque peu négligé le clearing des samples sur l’album. Ce qu’on appelle le clearing c’est le fait de payer aux ayants droits ce qui leur revient contre l’autorisation d’utiliser leurs samples. Or aux débuts du hip hop, le sampling sauvage comme on pourrait l’appeler était monnaie courante.
C’est ce qui a fait que jusqu’à aujourd’hui ces albums n’ont pas été publiés sur les plateformes, pour éviter de s’exposer à des procès. De La Soul affirme donc qu’avec cette publication ils sont placés en première ligne, avec une dette fantôme pour les ayants droits qui pourrait avoisiner les 2 millions de dollars, soit beaucoup plus que les recettes potentielles de ces 10% sur leur discographie avec sa mise en ligne.
La plateforme Tidal a déjà annoncé qu’elle ne publierait pas les albums en soutien aux artistes. Enfin De la Soul reproche aussi à la Warner, qui a acquis le label Tommy Boy en 2002, de ne pas avoir fait le nécessaire pour le clearing. Une histoire qui condense l’industrie du hip-hop en un disque, donc.
Bam Bam, c’est le Bureau des Affaires Musicales de Radio Nova, animé par Sophie Marchand et Jean Morel, du lundi au vendredi sur Nova.
Visuel : © Getty Images / Keipher McKennie